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samedi 6 mai 2017

Je me souviens : 8 mai 1965 à Colombes

Le 8 mai 1965, on commémorait à Colombes et ailleurs le 20e anniversaire de la fin en Europe de la Seconde Guerre Mondiale

Sur les ondes de Radio Luxembourg (1) Raymond Cartier (2) relevait les différences entre les commémorations de ce 8 mai selon les pays.

 Il notait que dans les pays (Etats-Unis, Royaume-Uni) dont le titre de co-vainqueurs de la Seconde Guerre Mondiale était incontestable, les cérémonies étaient plus sobres qu'en France. Comme si en France, certains voulaient compenser leurs doutes quant au bien-fondé d'un droit de ce pays à prétendre au statut de vainqueur par un étalage de symboles. Pour essayer de s'y faire croire. C'est bien ce que je devinais aussi.

Le quotidien L'Aurore (Robert Lazurick) offrait un abonnement d'un an aux jeunes gens nés le 8 mai 1945. Dans le même journal, on pouvait lire que le Chancelier fédéral allemand Ludwig Erhard déclarait qu'il était impossible aux Allemands de célébrer le 8 mai, car le triomphe des vainqueurs, puis leurs divisions, avaient laissé l'Allemagne divisée et privée du droit à des élections libres dans tout le pays. Le même journal publiait une photographie de l'ambassadeur du Royaume-Uni en France, Sir Patrick Reilly, mis en présence de son collègue de Chine continentale, pays avec lequel la France avait établi des relations diplomatiques quatorze mois auparavant. Les deux diplomates s'évitent du regard.

Colombes, la présence de drapeaux américains au sommet de mâts place Rhin et Danube (l'espace qui faisait communiquer les rues Saint-Denis et du Bournard) détonne : depuis des mois, la propagande anti-américaine sous couvert de campagne pour la "paix au Vietnam" est intense. L'arrivée à la mairie en mars 1965 d'une municipalité dite d'Union Démocratique dirigée par Dominique Frelaut (communiste) peut augurer d'une intensification de cette campagne. Pour nous rendre en famille dans notre région d'origine, dans l'Aisne, nous traversons des communes à direction communiste : Gennevilliers (3), l'Île Saint-Denis etc... où la propagande en faveur de la "paix au Vietnam" est obsédante (4). Une des adjointes de Dominique Frélaut est Hélène Le Savouroux  (5), épouse du chef de file colombien de la S.F.I.O.. Photographiée devant un monument aux morts ce 8 mai, Hélène Le Savouroux a le style d'une jeune femme moderne du milieu des années 1960 (6).

Un salon de coiffure est ouvert ce 8 mai 1965 sur la place de la gare (en fait : avenue de l'Agent Sarre, un peu avant le croisement avec l'avenue Menelotte); j'y entre pour m'y faire couper les cheveux. Pendant que j'attends. un client parle du 8 mai. Il dit que les vainqueurs de la Seconde Guerre Mondiale n'ont pas exercé de vengeance "oeil pour oeil, dent pour dent" sur les vaincus. Il est mal informé, ou auto-intoxiqué. Peut-être ne comprend-il même pas les atroces paroles du Chant des Partisans.

Les piliers du viaduc de l'avenue Ménelotte à partir de la gare de Colombes vers la gare du Stade sont régulièrement recouverts d'affiches d'un parti de la majorité municipale : le P.S.U. (7) Il a ses entrées non seulement à la Mairie de Colombes, mais aussi chez les militants chrétiens qui fréquentent la paroisse catholique Saint-Pierre Saint-Paul. Cette paroisse est animée par la congrégation des Fils de la Charité. Une des adjointes de Dominique Frélaut, encartée au P.S.U., est responsable paroissiale des catéchismes. Le chef de file local du P.S.U. est l'imprimeur Cary, dont l'atelier est sis rue du Four, petite rue médiévale le long de l'église (l'ancienne); il est imprimeur du P.S.U. et de la paroisse.


 Le 8 mai, c'est aujourd'hui, demain ce sera le 9, journée de l'Europe, et j'aime mieux ça. Depuis 7 ans, grâce notamment à son maire Paul Bouchu (1947-1959)  Colombes est jumelée avec Frankenthal  dans le Palatinat et, depuis un an, avec Legnano dans le nord de l'Italie. 

Vive l'Europe !


N  O  T  E  S 

(1) Radio Luxembourg prendra le nom de RTL en 1966.

(2) Raymond Cartier (1904-1975), journaliste, est l'auteur de plusieurs récits de voyage, livres d'Histoire, essais. Il s'exprimait régulièrement sur Radio Luxembourg (RTL) et dans les colonnes de l'hebdomadaire Paris-Match. Il a largement contribué à gagner l'opinion à la cause des décolonisations. Non à partir d'un point de vue "tiers-mondiste", favorable aux "mouvements de libération nationale". Il avançait que les décolonisations permettraient aux métropoles européennes (il citait souvent l'exemple des Pays-Bas après l'indépendance de l'Indonésie) de se décharger du fardeau de la mise en valeur des territoires dépendants, de la gestion de leurs populations. Et de consacrer les ressources ainsi épargnées au développement de leurs territoires européens. Pour lui, les décolonisations devaient être la libération des Européens du "fardeau de l'homme blanc", selon une expression célèbre de Rudyard Kipling (the white man's burden). On lui a attribué à tort l'expression "La Corrèze avant le Zambèze". Raymond Cartier défendait également à travers ses écrits la cause de l'intégration européenne. Il s'honorait notamment de l'amitié et de la confiance de l'homme d'Etat luxembourgeois Joseph Bech (démocrate-chrétien). Tant que Raymond Cartier plaidait la cause des décolonisations, il était considéré par les grands médias et les leaders d'opinion comme un polygraphe consensuel. Une fois les décolonisations advenues, ses critiques envers la continuation de certaines formes bilatérales et clientélistes d'aide au développement des pays anciennement colonisés (le "cartiérisme") furent moins appréciées. Il est significatif que ses interventions hebdomadaires sur Radio Luxembourg (RTL) qui étaient d'abord dénommées "éditoriaux" furent ensuite présentées comme des "tribunes". Son style d'écriture était recommandé dans les écoles de journalisme, notamment celle dont j'ai suivi les enseignements (Strasbourg).

(3) La présence d'urinoirs plaqués contre un des murs extérieurs d'une église de Gennevilliers qui se trouvait sur notre itinéraire était pour moi une image de la malfaisance de Peppone exercée à l'encontre de Don Camillo et de ses ouailles.

(4) Mais j'étais vacciné.

(5) La signature d'Hélène Le Savouroux, maire adjointe à l'état-civil, figure sur nombre de mes documents (diplômes notamment). Le service municipal de l'état-civil était habilité à "certifier conforme" des copies de documents à partir de la comparaison entre original et photocopie.

(6) Les Le Savouroux ne sont pas des fanatiques. Rien à voir avec le manichéisme du P.S.U. de leur époque et du futur P.S. d'après 1971. Une preuve ? En juin 1968, Bernard Le Savouroux, candidat de la Fédération de la Gauche Démocrate et Socialiste (F.G.D.S.) -S.F.I.O. + radicaux valoisiens + clubs- à Colombes fait le tour, dans un document de campagne électorale, des positions de ses concurrents. Un de ceux-ci était candidat de l'Alliance Républicaine pour le Progrès et les Libertés, fondée et dirigée par Jean-Louis Tixier Vignancour. Bernard Le Savouroux, tout en indiquant que les positions de J.-L. Tixier-Vignancour ne devraient pas permettre à un "démocrate socialiste" de voter pour son candidat local, qualifie ce dernier de "courageux". 

(7) Le P.S.U. incarnait pour le jeune étudiant que j'étais alors un des pôles de l'horreur politique. L'autre pôle était représenté par le jacobinisme et le stato-nationalisme de Michel Debré et de ses amis.

dimanche 8 mai 2011

Un Huit Mai à Colombes

Le 8 mai 1965, on commémorait le vingtième anniversaire de la fin en Europe de la Seconde Guerre Mondiale. Sur les ondes de Radio Luxembourg (qui prendra le nom de RTL en 1966), Raymond Cartier relevait les différences entre les commémorations de ce 8 mai selon les pays, et notait que dans les pays (Etats-Unis, Royaume-Uni) dont le titre de co-vainqueurs de la Seconde Guerre Mondiale était incontestable, les cérémonies étaient plus sobres qu'en France. Comme si, en France, certains voulaient compenser leurs doutes quant au bien-fondé du droit de ce pays à prétendre au statut de vainqueur par un étalage de symboles. Pour essayer de s'en persuader.

Le quotidien L'Aurore (Robert Lazurick) offrait un abonnement d'un an aux jeunes gens nés le 8 mai 1945. Dans le même journal, on pouvait lire que le Chancelier fédéral allemand Ludwig Erhard déclarait qu'il était impossible aux Allemands de célébrer le 8 mai, car la victoire des vainqueurs, puis leurs divisions avaient laissé l'Allemagne divisée et privée du droit à des élections libres dans tout le pays. Le même journal publiait une photographie de l'ambassadeur du Royaume-Uni en France, Sir Patrick Reilly, mis en présence de son collègue de Chine continentale, pays avec lequel la France avait établi des relations diplomatiques quatorze mois auparavant. Les deux diplomates s'évitent du regard.

A Colombes (1), la présence de drapeaux américains au sommet de mâts place Rhin et Danube (l'espace qui faisait communiquer les rues Saint-Denis et du Bournard) détonne : depuis des mois, la propagande anti-américaine sous couvert de campagne pour la "paix au Vietnam" est intense; l'arrivée à la mairie en mars 1965 d'une municipalité dite d'Union Démocratique dirigée par Dominique Frelaut (communiste) peut augurer d'une intensification de cette campagne : pour nous rendre en famille dans notre région d'origine, dans l'Aisne, nous traversons des communes dirigées par des communistes : Genevilliers, l'Île Saint-Denis etc... où la propagande en faveur de la "paix au Vietnam" est obsédante (mais je suis vacciné) (2). Une des adjointes de Dominique Frélaut est Hélène Le Savouroux, épouse du chef de file colombien de la S.F.I.O.. Photographiée devant un monument au morts ce 8 mai, Hélène Le Savouroux a le style d'une jeune femme moderne du milieu des années 1960. Les Le Savouroux ne sont pas des fanatiques (rien à voir avec le PS xénolâtre (3) d'aujourd'hui, qui semble descendre du PSU plus que de la S.F.I.O.) : trois ans plus tard, en 1968, dans une profession de foi dans laquelle Bernard Le Savouroux fait le tour de ses concurrents pour les élections législatives des 23 et 30 juin, il juge que le candidat du mouvement de Jean-Louis Tixier Vignancour est "courageux" mais que les positions de son chef de file doivent en éloigner tout "démocrate socialiste" (c'est le teme qu'il emploie).

Un salon de coiffure est ouvert ce 8 mai 1965 sur la place de la gare (en fait : avenue de l'Agent Sarre, un peu avant le croisement avec l'avenue Menelotte); j'y entre pour m'y faire couper les cheveux; pendant que j'attends, un client parle du 8 mai; je dois l'entendre dire que les vainqueurs de la Seconde Guerre Mondiale (auxquels il s'identifie et auxquels je ne m'identifie pas) qu'il a vécue n'ont pas exercé de vengeance "oeil pour oeil, dent pour dent" contre leurs adversaires vaincus (il est mal informé).

Le viaduc de l'avenue Ménelotte à partir de la gare de Colombes vers la gare du Stade est régulièrement recouvert d'affiches d'un parti de la majorité municipale : le P.S.U.. Ce mouvement représente un des pôles (4) de l'horreur politique à mes yeux, par son discours culpabilisateur, égalitariste, tiers-mondiste. Il a ses entrées non seulement à la Mairie de Colombes, mais aussi chez les militants chrétiens qui fréquentent la paroisse Saint-Pierre Saint-Paul : le chef de file local du P.S.U. est l'imprimeur Cary, dont l'atelier est sis rue du Four, petite rue médiévale le long de l'église (l'ancienne); il est imprimeur du P.S.U. et de la paroisse. Un beau jour de printemps, me promenant rue du Four, dont les murs étaient recouverts ça et là d'affiches du P.S.U. pour la "paix au Vietnam", je décide d'en arracher une; relevant la tête, je remarque que d'une fenêtre du presbytère, un vicaire, le Père Seince (récemment rappelé à D.), fils de la Charité (5), a observé la scène et semble d'autant plus assombri qu'il me connaît de vue : il m'a fait la catéchisme quelques semaines dix ans avant, et m'a déjà aperçu dans l'église (l'ancienne). Je ressens cette expérience comme gratifiante. Le 8 mai, c'est aujourd'hui, demain ce sera le 9, journée de l'Europe, et j'aime mieux ça. Depuis 7 ans, grâce notamment à son maire de l'époque, Paul Bouchu, Colombes est jumelée avec Frankenthal (6) dans le Palatinat et depuis un an avec Legnano (7) dans le nord de l'Italie. Vive l'Europe !


NOTES

(1) 48°55'25" N  / 02°15'08" E

(2) Le vaccin est composite : anticommunisme, considération du fait que si j'était américain je pourrais être au Vietnam du fait de la conscription, mis en danger par les Vietcongs qui sont volontaires par définition;
de même, si j'avais dix ou quinze ans de plus j'aurais pu être en Algérie du fait du service militaire obligatoire, mis en danger par les fellaghas du FLN djézaïrien; et aussi bien ce FLN que le Vietcong ont et avaient la sympathie des communistes;

(3) Un incident significatif : la réaction de membres lillois du M.J.S. (Mouvement des Jeunes Socialistes) à un entretien de F. Hollande, président de la République retransmis à la télévision en avril 2016. Lorsque F. Hollande évoque l'action du ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, relevant que celui-ci a "nettoyé la jungle de Calais", ce propos est accueilli par des clameurs d'indignation et de désapprobation. Non parce que cette libération de Calais n'aurait pas eu lieu. Mais parce que des résidents illégaux, de prétendus réfugiés ont été délogés de là où ils n'auraient jamais dû s'installer. C'est qu'on les aime, les squatters et les résidents illégaux, au M.J.S. !

(4) L'autre pôle est le stato-nationalisme cocardier, machine à faire se déchirer les Européens entre eux pour le plus grand bénéfice du reste du monde, et à faire rajouter des noms sur les monuments aux morts à chaque génération; à l'époque, il est incarné par la mouvance DeGaulliste, aujourd'hui par les prétendus "souverainistes" (qui ont volé ce mot aux Canadiens);

(5) Les Fils de la Charité ont été fondés par le Père Anizan; il s'agit d'une dissidence issue d'une congrégation plus ancienne fondée par St Vincent de Paul; les Fils de la Charité ont été en charge des paroisses catholiques de Colombes (sauf peut-être (?) une d'entre elles, à cheval sur 2 ou 3 communes : Les Vallées) de 1921 à 2003. Globalement, ils y ont fait beaucoup de bien. Ce que le Concile Vatican II a pu avoir malgré tout d'aspects positifs a été mis en place par eux à Colombes avec 15 ou 20 ans d'avance; ils ont permis à beaucoup de gens de découvrir une autre Eglise que celle qu'ils avaient pu connaître. Par la suite, cette pastorale a pu être contaminée par le béguin des issus de l'immigration des suds du monde, la propension à la générosité avec ce qui n'est pas à soi parce que c'est tristement humain, mais on a fait pire dans d'autres églises, issues de la Réforme, sous l'influence de groupes comme la CIMADE "mouvement oecuménique d'entraide" et membre de la Fédération Protestante de France;

(6) Le jumelage avec Frankenthal est bien vivant, y compris au niveau du partenariat entre les groupes politiques des conseils municipaux respectifs (notamment les Verts);

(7) Le jumelage avec Legnano semble mis de côté; ne serait-ce pas du fait du sectarisme de la Gauche ?