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samedi 6 mai 2017

Je me souviens : 8 mai 1965 à Colombes

Le 8 mai 1965, on commémorait à Colombes et ailleurs le 20e anniversaire de la fin en Europe de la Seconde Guerre Mondiale

Sur les ondes de Radio Luxembourg (1) Raymond Cartier (2) relevait les différences entre les commémorations de ce 8 mai selon les pays.

 Il notait que dans les pays (Etats-Unis, Royaume-Uni) dont le titre de co-vainqueurs de la Seconde Guerre Mondiale était incontestable, les cérémonies étaient plus sobres qu'en France. Comme si en France, certains voulaient compenser leurs doutes quant au bien-fondé d'un droit de ce pays à prétendre au statut de vainqueur par un étalage de symboles. Pour essayer de s'y faire croire. C'est bien ce que je devinais aussi.

Le quotidien L'Aurore (Robert Lazurick) offrait un abonnement d'un an aux jeunes gens nés le 8 mai 1945. Dans le même journal, on pouvait lire que le Chancelier fédéral allemand Ludwig Erhard déclarait qu'il était impossible aux Allemands de célébrer le 8 mai, car le triomphe des vainqueurs, puis leurs divisions, avaient laissé l'Allemagne divisée et privée du droit à des élections libres dans tout le pays. Le même journal publiait une photographie de l'ambassadeur du Royaume-Uni en France, Sir Patrick Reilly, mis en présence de son collègue de Chine continentale, pays avec lequel la France avait établi des relations diplomatiques quatorze mois auparavant. Les deux diplomates s'évitent du regard.

Colombes, la présence de drapeaux américains au sommet de mâts place Rhin et Danube (l'espace qui faisait communiquer les rues Saint-Denis et du Bournard) détonne : depuis des mois, la propagande anti-américaine sous couvert de campagne pour la "paix au Vietnam" est intense. L'arrivée à la mairie en mars 1965 d'une municipalité dite d'Union Démocratique dirigée par Dominique Frelaut (communiste) peut augurer d'une intensification de cette campagne. Pour nous rendre en famille dans notre région d'origine, dans l'Aisne, nous traversons des communes à direction communiste : Gennevilliers (3), l'Île Saint-Denis etc... où la propagande en faveur de la "paix au Vietnam" est obsédante (4). Une des adjointes de Dominique Frélaut est Hélène Le Savouroux  (5), épouse du chef de file colombien de la S.F.I.O.. Photographiée devant un monument aux morts ce 8 mai, Hélène Le Savouroux a le style d'une jeune femme moderne du milieu des années 1960 (6).

Un salon de coiffure est ouvert ce 8 mai 1965 sur la place de la gare (en fait : avenue de l'Agent Sarre, un peu avant le croisement avec l'avenue Menelotte); j'y entre pour m'y faire couper les cheveux. Pendant que j'attends. un client parle du 8 mai. Il dit que les vainqueurs de la Seconde Guerre Mondiale n'ont pas exercé de vengeance "oeil pour oeil, dent pour dent" sur les vaincus. Il est mal informé, ou auto-intoxiqué. Peut-être ne comprend-il même pas les atroces paroles du Chant des Partisans.

Les piliers du viaduc de l'avenue Ménelotte à partir de la gare de Colombes vers la gare du Stade sont régulièrement recouverts d'affiches d'un parti de la majorité municipale : le P.S.U. (7) Il a ses entrées non seulement à la Mairie de Colombes, mais aussi chez les militants chrétiens qui fréquentent la paroisse catholique Saint-Pierre Saint-Paul. Cette paroisse est animée par la congrégation des Fils de la Charité. Une des adjointes de Dominique Frélaut, encartée au P.S.U., est responsable paroissiale des catéchismes. Le chef de file local du P.S.U. est l'imprimeur Cary, dont l'atelier est sis rue du Four, petite rue médiévale le long de l'église (l'ancienne); il est imprimeur du P.S.U. et de la paroisse.


 Le 8 mai, c'est aujourd'hui, demain ce sera le 9, journée de l'Europe, et j'aime mieux ça. Depuis 7 ans, grâce notamment à son maire Paul Bouchu (1947-1959)  Colombes est jumelée avec Frankenthal  dans le Palatinat et, depuis un an, avec Legnano dans le nord de l'Italie. 

Vive l'Europe !


N  O  T  E  S 

(1) Radio Luxembourg prendra le nom de RTL en 1966.

(2) Raymond Cartier (1904-1975), journaliste, est l'auteur de plusieurs récits de voyage, livres d'Histoire, essais. Il s'exprimait régulièrement sur Radio Luxembourg (RTL) et dans les colonnes de l'hebdomadaire Paris-Match. Il a largement contribué à gagner l'opinion à la cause des décolonisations. Non à partir d'un point de vue "tiers-mondiste", favorable aux "mouvements de libération nationale". Il avançait que les décolonisations permettraient aux métropoles européennes (il citait souvent l'exemple des Pays-Bas après l'indépendance de l'Indonésie) de se décharger du fardeau de la mise en valeur des territoires dépendants, de la gestion de leurs populations. Et de consacrer les ressources ainsi épargnées au développement de leurs territoires européens. Pour lui, les décolonisations devaient être la libération des Européens du "fardeau de l'homme blanc", selon une expression célèbre de Rudyard Kipling (the white man's burden). On lui a attribué à tort l'expression "La Corrèze avant le Zambèze". Raymond Cartier défendait également à travers ses écrits la cause de l'intégration européenne. Il s'honorait notamment de l'amitié et de la confiance de l'homme d'Etat luxembourgeois Joseph Bech (démocrate-chrétien). Tant que Raymond Cartier plaidait la cause des décolonisations, il était considéré par les grands médias et les leaders d'opinion comme un polygraphe consensuel. Une fois les décolonisations advenues, ses critiques envers la continuation de certaines formes bilatérales et clientélistes d'aide au développement des pays anciennement colonisés (le "cartiérisme") furent moins appréciées. Il est significatif que ses interventions hebdomadaires sur Radio Luxembourg (RTL) qui étaient d'abord dénommées "éditoriaux" furent ensuite présentées comme des "tribunes". Son style d'écriture était recommandé dans les écoles de journalisme, notamment celle dont j'ai suivi les enseignements (Strasbourg).

(3) La présence d'urinoirs plaqués contre un des murs extérieurs d'une église de Gennevilliers qui se trouvait sur notre itinéraire était pour moi une image de la malfaisance de Peppone exercée à l'encontre de Don Camillo et de ses ouailles.

(4) Mais j'étais vacciné.

(5) La signature d'Hélène Le Savouroux, maire adjointe à l'état-civil, figure sur nombre de mes documents (diplômes notamment). Le service municipal de l'état-civil était habilité à "certifier conforme" des copies de documents à partir de la comparaison entre original et photocopie.

(6) Les Le Savouroux ne sont pas des fanatiques. Rien à voir avec le manichéisme du P.S.U. de leur époque et du futur P.S. d'après 1971. Une preuve ? En juin 1968, Bernard Le Savouroux, candidat de la Fédération de la Gauche Démocrate et Socialiste (F.G.D.S.) -S.F.I.O. + radicaux valoisiens + clubs- à Colombes fait le tour, dans un document de campagne électorale, des positions de ses concurrents. Un de ceux-ci était candidat de l'Alliance Républicaine pour le Progrès et les Libertés, fondée et dirigée par Jean-Louis Tixier Vignancour. Bernard Le Savouroux, tout en indiquant que les positions de J.-L. Tixier-Vignancour ne devraient pas permettre à un "démocrate socialiste" de voter pour son candidat local, qualifie ce dernier de "courageux". 

(7) Le P.S.U. incarnait pour le jeune étudiant que j'étais alors un des pôles de l'horreur politique. L'autre pôle était représenté par le jacobinisme et le stato-nationalisme de Michel Debré et de ses amis.

mardi 17 mai 2016

Terrorisme du FLN algérien à Colombes (Seine) : 26 mai 1957

Le dimanche 26 mai 1957 se déroulait au stade de Colombes (Seine)  la finale de la Coupe de France de football opposant Angers à Toulouse. Ce fut Toulouse qui l'emporta par 6 buts à 3.

Il était de tradition que le président de la République honorât de sa présence cette manifestation annuelle. En cette année 1957, le président René Coty n'avait pas dérogé à cette tradition et assistait au match dans la tribune du stade Yves du Manoir de Colombes.  

René Coty (vers 1953)


Ali Chekkal

D'autres personnalités figuraient parmi les hôtes du stade pour cette finale. Parmi elles, l'ancien vice-président de l'Assemblée Algérienne, Ali Chekkal, originaire de Mascara (Algérie). Cet ancien élu musulman d'un département alors français d'Algérie avait été condamné à mort par un "tribunal" du FLN (Front de Libération Nationale) algérien, organisation interdite, qui depuis Le Caire menait une lutte armée contre la France et contre une organisation rivale, le M.N.A. (Mouvement Nationaliste Algérien), en Algérie et en Europe.

Ali Chekkal avait épousé une Française originaire de Montpellier, et avait donné à ses enfants des prénoms français. Il avait peu auparavant assisté au sein de la délégation française à une session de l'Assemblée Générale de l'O.N.U. à New York. 

Pour l'"exécution" de ses "sentences" de mort, le FLN algérien avait créé des.....sections spéciales (rien à voir avec celles de Vichy.....). Ce dimanche 26 mai 1957, l'organisation terroriste avait dépêché à Colombes un de ses membres, un dénommé Mohamed ben Sadok (°1930). La banlieue dans laquelle se situait la commune de Colombes comportait déjà une forte population d'origine maghrébine, surtout algérienne, au sein de laquelle les réglements de compte souvent meurtriers entre FLN et MNA inquiétaient la population européenne. Les terroristes des sections spéciales algériennes pouvaient évoluer sans être forcément remarqués au sein de la population originaire d'Outre-Méditerrannée.

Le match terminé, le président René Coty alla prendre congé d'Ali Chekkal, connu par ailleurs comme amateur de football, puis regagna Paris en voiture. Mohamed ben Sadok, élégamment vêtu d'un loden, s'approcha d'Ali Chekkal et tira en sa direction à 1,50 m de distance de sa victime. Ali Chekkal, grièvement blessé, s'écroula, perdant son sang en abondance. Un policier en retraite parvint à maîtriser Mohamed ben Sadok qui était en passe d'être lynché par la foule qui scandait : "Assassin ! Assassin !". Le terroriste fut exfiltré, conduit à Paris où il reconnut son appartenance au FLN algérien et se vanta d'avoir "exécuté" un "des derniers Musulmans amis de la France" (sic). Ali Chekkal fut transporté dans un hôpital à Nanterre, commune voisine de Colombes, où il décéda d'une hémorragie interne causée par le tir de Mohamed ben Sadok. Il eut droit à des obsèques nationales avec cérémonie aux Invalides, et fut inhumé dans le cimetière de Thiais (Seine). Son assassin fut jugé en cour d'assises, condamné à mort, peine commuée en travaux forcés à perpétuité, et libéré dans le cadre des Accords d'Evian de 1962.

 http://www.ina.fr/video/AFE85007408



Dans la confusion et les bousculades consécutives à l'attentat, la rumeur courut d'abord que c'était le président René Coty lui-même qui avait été abattu par un "fellagha" (1).

La France n'avait plus de gouvernement depuis le mardi précédent : le gouvernement du président du Conseil Guy Mollet expédiait les affaires courantes. Il ne sera remplacé par le gouvernement de Maurice Bourgès-Maunoury que le 12 juin suivant. Depuis 1947, le maire de Colombes est Paul Bouchu (2).

 Mohamed ben Sadok fut considéré comme un héros dans l'Algérie indépendante. Il était désigné comme "fedaï" (pluriel : fedayin), un combattant de la liberté, exécuteur du "traitre" Ali Chekkal. Sur un site dont les directeurs de conscience sont issus du FLN, Mohamed ben Sadok prétendra, contre toute évidence, que les autorités françaises avaient tenté de traiter l'affaire comme un simple fait divers. Dans la crainte que l'opinion de la France d'Europe ne prît conscience de la force du FLN, capable de frapper en Métropole. C'est absolument inexact. Sur ce site pro-FLN, Ali Chekkal devient Ali Chakal (sic) et le dimanche 26 mai devient le 29 du mois. 

L'hebdomadaire Paris-Match consacra un bon reportage photographique à cet attentat, avec des images de la présence algérienne en banlieue. Sous le titre, rappelé à chaque page dans un petit rectangle : fellagha (1).

Certains compareront le geste de Mohamed ben Sadok à celui de "résistants", de "maquisards" pendant la guerre 1939-1945. Cette comparaison n'est pas illégitime. Mais comme sur ce blog on n'a jamais été admirateur de la Résistance française, comme on n'y a jamais honoré les émules du "Colonel" Fabien, de Georges Guingouin, des bandes de Rol-Tanguy et de Kriegel-Varlimont, les assassins de Philippe Henriot, il est cohérent qu'on y considère Mohamed ben Sadok comme un terroriste. Il doit de ne plus être regardé comme un terroriste parce qu'il figure parmi les vainqueurs du conflit dont il a été un protagoniste. Si l'Algérie était restée française, Mohamed ben Sadok serait toujours considéré comme un terroriste. Si les puissances de l'Axe n'avaient pas été écrasées en 1945, le "Colonel" Fabien serait catalogué comme terroriste, et il est même possible que le général Leclerc, et d'autres, auraient eu à répondre de crimes de guerre. L'Histoire écrite par les seuls vainqueurs n'est pas la nôtre, n'est en tout cas pas notre Mémoire (3).

Pourquoi évoquer cette page de l'histoire de Colombes et de la guerre d'Algérie ?

Parce que j'ai résidé à Colombes pendant une partie de mon enfance et mon adolescence, à l'époque où le terrorisme FLN faisait rage en banlieue, notamment à travers le conflit FLN-MNA.

C'est ma réponse, mon bras d'honneur, aux appels à "assumer le passé" émanant des autorités morales auto-proclamées, à "regarder l'Histoire en face". 

Parce que Colombes a été, entre 2008 et 2014, administrée par une municipalité à direction PS qui s'est singularisée par des gestes indécents au nom....de la Mémoire, du..."devoir de regarder l'Histoire en face", "d'assumer le passé". Cette municipalité a commémoré officiellement les manifestations auxquelles avait appelé le FLN en octobre 1961, les considérant comme "pacifiques". Ces commémorations ont eu lieu à Colombes en présence de ministricules de la dictature de Bouteflika, héritière du FLN. Il est grotesque et indécent de qualifier les manifs FLN de "pacifiques" : le FLN a posé un acte de guerre en France d'Europe pour vérifier sa représentativité parmi les Algériens résidant en France d'Europe, en les appelant notamment à défier le couvre-feu. Ces manifs ont été réprimées à Colombes comme ailleurs. Leur répression ne m'a pas fait pleurer, ni causé aucune joie. Elle m'a certainement rassuré : voilà pour le regard posé sur l'Histoire. Sans reécriture aucune.  Elle n'a ni hâté ni retardé l'accession de l'Algérie à l'indépendance. La commémoration de ces manifestations de 1961 et de leur répression aurait dû être limitée aux locaux du consulat algérien compétent pour Colombes et son secteur, ou à la rigueur à des locaux loués par celui-ci. Sans provocations envers les survivants et descendants des victimes des actions du FLN. Sans que la municipalité de Colombes y participe ès-qualités.

Devenue opposition municipale en 2014, l'équipe de l'ancien maire Philippe Sarre (°1951) (4), interpella la nouvelle municipalité de Nicole Goueta (5) pour lui reprocher véhémentement de ne plus s'associer à ces commémorations des évènements d'octobre 1961 selon l'optique FLN. Errare humanus est, perseverare diabolicum". Le PS colombien contemporain refuse d'assumer son clientélisme envers son électorat arabo-musulman local, et invoque au nom de la morale un prétendu devoir de faire sienne la Mémoire des vainqueurs : "assumer son passé, l'Histoire" etc....Deconantum bien connu.... 

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Jean-Marie Lallau


N   O   T   E  S

(1) fellagha : pillard, coupeur de routes; désignation généralement appliquée pendant les évènements d'Afrique du Nord (1952-1962) en France d'Europe aux éléments armés s'opposant aux forces de l'ordre et à l'armée française. On dit aussi, plus péjorativement : fellouze.

(2) Paul Bouchu : excellent maire de Colombes de 1947 à 1959. Elu en 1947 avec l'investiture du RPF (gaulliste), il fut battu en 1959 par la liste de Mme Marcelle Devaud, UNR (gaulliste). Paul Bouchu avait, en fin de mandat, le soutien du Centre National des Indépendants, du Centre Républicain (André Morice), de la Démocratie Chrétienne de France (Georges Bidault). On lui doit le jumelage, en 1958, de Colombes avec la commune de Frankenthal en Allemagne, dans le Palatinat.

(3) une plaque apposée sur la façade du commissariat de police de Colombes rappelle que deux de ses gardiens de la Paix sont tombés en service : André Sarre en 1944 dans les rangs de "libertadors" et Roger Dufour en 1959 assassiné par le FLN. André Sarre était volontaire pour tuer et a été tué par des soldats non volontaires. Roger Dufour a été tué en service par le FLN algérien, sans avoir besoin d'être volontaire pour s'opposer à eux. Entre les deux, j'ai fait mon choix : celui d'entre eux auquel il m'est plus facile de m'identifier.

(4) Philippe Sarre (°1951), maire PS de Colombes de 2008 à 2014 a exhalé son sectarisme en qualifiant de "libération" la défaite de Nicolas Sarközy  en 2012. Moins de deux ans plus tard, une alliance UMP-UDI-MoDem libérait Colombes de l'équipe de Philippe Sarre. Mais en décembre 2015, la liste conduite par l'hyper sectaire Claude Bartolone aux élections régionales était en tête des suffrages à Colombes. Vigilance !....

(5) Nicole Gouéta (°1937) a mis fin aux trente-six années de mayorat de Dominique Frélaut (PCF) en mars 2001. Elle a été maire de Colombes de 2001 à 2008. Battue par la liste de Philippe Sarre en 2008, elle a repris à celui-ci la mairie de Colombes en mars 2014.

mercredi 8 mai 2013

Le 8 mai : une célébration inopportune

Le 8 mai 1965, on commémorait le vingtième anniversaire de la fin en Europe de la Seconde Guerre Mondiale. Sur les ondes de Radio Luxembourg (qui prendra le nom de RTL en 1966), Raymond Cartier relevait les différences entre les commémorations de ce 8 mai selon les pays, et notait que dans les pays (Etats-Unis, Royaume-Uni) dont le titre de co-vainqueurs de la Seconde Guerre Mondiale était incontestable, les cérémonies étaient plus sobres qu'en France, comme si en France, certains voulaient compenser leurs doutes quant au bien-fondé d'un droit de ce pays à prétendre au statut de vainqueur par un étalage de symboles pour essayer de s'y faire croire.

Le quotidien L'Aurore (Robert Lazurick) offrait un abonnement d'un an aux jeunes gens nés le 8 mai 1945. Dans le même journal, on pouvait lire que le Chancelier fédéral allemand Ludwig Erhard déclarait qu'il était impossible aux Allemands de célébrer le 8 mai, car la victoire des vainqueurs, puis leurs divisions avaient laissé l'Allemagne divisée et privée du droit à des élections libres dans tout le pays. Le même journal publiait une photographie de l'ambassadeur du Royaume-Uni en France, Sir Patrick Reilly, mis en présence de son collègue de Chine continentale, pays avec lequel la France avait établi des relations diplomatiques quatorze mois auparavant. Les deux diplomates s'évitent du regard.

A Colombes (1), la présence de drapeaux américains au sommet de mâts place Rhin et Danube (l'espace qui faisait communiquer les rues Saint-Denis et du Bournard) détonne : depuis des mois, la propagande anti-américaine sous couvert de campagne pour la "paix au Vietnam" est intense; l'arrivée à la mairie en mars 1965 d'une municipalité dite d'Union Démocratique dirigée par Dominique Frelaut (communiste) peut augurer d'une intensification de cette campagne : pour nous rendre en famille dans notre région d'origine, dans l'Aisne, nous traversons des communes dirigées par des communistes : Genevilliers, l'Île Saint-Denis etc... où la propagande en faveur de la "paix au Vietnam" est obsédante (mais je suis vacciné) (2). Une des adjointes de Dominique Frélaut est Hélène Le Savouroux, épouse du chef de file colombien de la S.F.I.O.. Photographiée devant un monument au morts ce 8 mai, Hélène Le Savouroux a le style d'une jeune femme moderne du milieu des années 1960. Les Le Savouroux ne sont pas des fanatiques (rien à voir avec le PS xénolâtre d'aujourd'hui, qui semble descendre du PSU plus que de la S.F.I.O.) : trois ans plus tard, en 1968, dans une profession de foi dans laquelle Bernard Le Savouroux fait le tour de ses concurrents pour les élections législatives des 23 et 30 juin, il juge que le candidat du mouvement de Jean-Louis Tixier Vignancour est "courageux" mais que les positions de son chef de file doivent en éloigner tout "démocrate socialiste" (c'est le terme qu'il emploie).

Un salon de coiffure est ouvert ce 8 mai 1965 sur la place de la gare (en fait : avenue de l'Agent Sarre, un peu avant le croisement avec l'avenue Menelotte); j'y entre pour m'y faire couper les cheveux; pendant que j'attends, un client parle du 8 mai; je dois l'entendre dire que les vainqueurs de la Seconde Guerre Mondiale (auxquels il s'identifie et auxquels je ne m'identifie pas) qu'il a vécue n'ont pas exercé de vengeance "oeil pour oeil, dent pour dent" contre leurs adversaires vaincus (il est mal informé).

Les piliers du viaduc de l'avenue Ménelotte à partir de la gare de Colombes vers la gare du Stade sont régulièrement recouverts d'affiches d'un parti de la majorité municipale : le P.S.U.. Ce mouvement représente un des pôles (3) de l'horreur politique à mes yeux, par son discours culpabilisateur, égalitariste, tiers-mondiste, "antiraciste". Il a ses entrées non seulement à la Mairie de Colombes, mais aussi chez les militants chrétiens qui fréquentent la paroisse catholique Saint-Pierre Saint-Paul : le chef de file local du P.S.U. est l'imprimeur Cary, dont l'atelier est sis rue du Four, petite rue médiévale le long de l'église (l'ancienne); il est imprimeur du P.S.U. et de la paroisse. Un beau jour de printemps, me promenant rue du Four, dont les murs étaient recouverts ça et là d'affiches du P.S.U. pour la "paix au Vietnam", je décide d'en arracher une; relevant la tête, je remarque que d'une fenêtre du presbytère, un vicaire, le Père Seince (récemment rappelé à D.), fils de la Charité (4), a observé la scène et semble d'autant plus assombri qu'il me connaît de vue : il m'a fait la catéchisme quelques semaines dix ans avant, et m'a déjà aperçu dans l'église (l'ancienne). Je ressens cette expérience comme gratifiante. Le 8 mai, c'est aujourd'hui, demain ce sera le 9, journée de l'Europe, et j'aime mieux ça. Depuis 7 ans, grâce notamment à son maire de l'époque, Paul Bouchu, Colombes est jumelée avec Frankenthal (5) dans le Palatinat et depuis un an avec Legnano (6) dans le nord de l'Italie. Vive l'Europe !

En 1975, à l'occasion du trentième anniversaire de la fin de la Seconde Guerre Mondiale en Europe, Valéry Giscard d'Estaing, président de la République abolit la célébration officielle et nationale de la "victoire" du 8 mai 1945. Son successeur, Francisque, pardon : François Mitterrand, commit la faute de la rétablir à partir de 1982.

NOTES

(1) 48°55'25" N  / 02°15'08" E

(2) Le vaccin est composite : anticommunisme, considération du fait que si j'était américain je pourrais être au Vietnam du fait de la conscription, mis en danger par les Vietcongs qui sont volontaires par définition;
de même, si j'avais dix ou quinze ans de plus j'aurais pu être en Algérie du fait du service militaire obligatoire, mis en danger par les fellaghas du FLN djézaïrien; et aussi bien ce FLN que le Vietcong ont et avaient la sympathie des communistes;

(3) L'autre pôle est le stato-nationalisme cocardier, machine à faire se déchirer les Européens entre eux pour le plus grand bénéfice du reste du monde, et à faire rajouter des noms sur les monuments aux morts à chaque génération; à l'époque, il est incarné par la mouvance DeGaulliste, aujourd'hui par les prétendus "souverainistes" (qui ont volé ce mot aux Canadiens);

(4) Les Fils de la Charité ont été fondés par le Père Anizan; il s'agit d'une dissidence issue d'une congrégation plus ancienne fondée par St Vincent de Paul; les Fils de la Charité ont été en charge des paroisses catholiques de Colombes (sauf peut-être (?)  celle des Vallées qui est à cheval sur 3 communes) de 1921 à 2003. Globalement, ils y ont fait beaucoup de bien. Ce que le Concile Vatican II a pu avoir malgré tout d'aspects positifs a été mis en place par eux à Colombes avec 15 ou 20 ans d'avance; ils ont permis à beaucoup de gens de découvrir une autre Eglise que celle qu'ils avaient pu connaître. Par la suite, cette pastorale a pu être contaminée par le béguin des issus de l'immigration des suds du monde, la propension à la générosité avec ce qui n'est pas à soi parce que c'est tristement humain, mais on a fait pire dans d'autres églises, issues de la Réforme, sous l'influence de groupes comme la CIMADE "mouvement oecuménique d'entraide" et membre de la Fédération Protestante de France;

(5) Le jumelage avec Frankenthal est bien vivant, y compris au niveau du partenariat entre les groupes politiques des conseils municipaux respectifs (notamment les Verts);

(6) Le jumelage avec Legnano semble mis de côté; ne serait-ce pas du fait du sectarisme de la Gauche qui a sévi à la mairie de Colombes de 1965 à 2001 et de 2008 à 2014 ? : la commune de Legnano est administrée par la Lega (ex Lega Nord), qui représente le phénomène le plus intéressant et un des plus positifs de la politique européenne récente.


jeudi 5 juillet 2012

Algérie '62 : bye bye El Djézaïr

Les médiats ne manquent pas en ce début juillet, de rappeler l'accession à l'indépendance de l'Algérie, la prétendue République Algérienne Démocratique et Populaire, il y a cinquante ans.

L'entité France n'était pas représentée aux cérémonies marquant cet évènement en R.A.D.P. Tant mieux.

On nous bassine avec tout un tas de notions fausses, décalées, anachroniques.

Il y a cinquante ans, l'Algérie est devenue indépendante, au terme d'un conflit que les médiats et l'opinion publique en France d'Europe qualifiaient bel et bien de guerre, déjà à cette époque, n'en déplaisent à certains polygraphes et professeurs ès-morale; ce n'était pas une guerre au sens du droit international, mais on évoquait ce conflit, pendant son déroulement, comme la guerre d'Algérie qui avait fait suite à la guerre d'Indochine, qui avait fait suite à la Seconde Guerre Mondiale. Des professeurs ès-morale se focalisent sur une décision d'un gouvernement français à la fin des années 1990 qui a reconnu que les soldats ayant servi en Algérie pendant les troubles avaient participé à une guerre, et que ces anciens combattants avaient des droits réservés aux participants à une guerre. Ils veulent conduire leurs lecteurs, auditeurs ou étudiants à en déduire qu'il a fallu longtemps à l'entité France pour reconnaître qu'elle avait fait, et qu'on lui avait fait la guerre. Et que ce délai atteste d'un malaise, d'une honte à assumer un passé ... qui ne passerait pas : il y aurait eu un colonialisme essentiellement prédateur et criminel qui aurait exploité un vaillant peuple algérien: des populations européennes manquant de générosité et de claivoyance, maintenant une population arabo-musulmane à un rang socio-économique et politique inférieur; de vaillants moudjahidines parfois pas trop regardants sur les moyens à employer pour "libérer" leur pays, face à une armée forte d'un demi-million d'hommes et qui torturait les libertadors; il y aurait eu d'une part un mouvement algérien de libération nationale (les "indépendantistes", comme les qualifie Monsieur X. sur France Inter dans une émission sur Fernand Pouillon -Rendez-vous avec X.-) et d'autre part les partisans de l'Algérie française (les "ultras de l'Algérie française selon Monsieur X., qui a choisi son camp), allant contre le vent de l'Histoire.


Je n'ai pas fait la guerre d'Algérie, mais je l'ai vécue comme enfant (à son déclenchement) et comme adolescent (à son terme), et ce que j'ai vécu ne correspond pas du tout à ce qu'on nous raconte aujourd'hui.


J'ai surtout vu cette guerre depuis Colombes (1) où résidait une population nord-africaine (2) assez importante quoique bien moindre que ce qu'elle est devenue aujourd'hui ; dans cette commune et dans les communes voisines, Algériens du MNA (3) et du FLN se combattaient, se rackettaient, s'égorgeaient, s'entretuaient,et les médiats en rendaient compte sans se soucier d'éviter ce qu'on appelle aujourd'hui des "stigmatisations"; un militant FLN assassina à la sortie du stade de Colombes un notable algérien qui avait assisté à un match de football aux côtés du président René Coty; au retour d'une promenade dominicale en famille, j'ai pu voir le terre-plein situé devant la gare de Colombes noir de monde : on venait d'y arrêter un Algérien qui avait assassiné un gardien de la paix du commissariat de police de la ville, Robert Dufour (4). Pendant les vacances scolaires, je retournais au pays natal, dans l'Aisne. On y trouvait dix fois moins de Nord-Africains que dans la banlieue Saint-Lazare (5), et ceux qui y résidaient étaient proportionnellement encore moins visibles. On y parlait de la guerre d'Algérie et des jeunes gens de la région qui y faisaient leur service militaire et dont la presse locale (La Dépêche de l'Aisne, des frères Bruneteau à Laon, et L'Union, à Reims) publiait de temps en temps de sympathiques photos de groupe par lesquels ils adressaient un salut à leurs familles, à leurs amis, à leurs voisins.


 J'éprouvais de la sympathie et un sentiment de solidarité avec les jeunes gens envoyés en Algérie pour y faire leur service militaire parce que si j'avais eu dix ans de plus en moyenne, j'aurais été à leur place. Il se trouve que je n'en ai connu aucun personnellement et directement; dix ans plus tard, je ressentais la même chose à l'égard des GIs envoyés au Vietnam. Toute considération d'ordre strictement "national", ou "éthique", au sens des "exhibitionnistes de l'intelligence et du coeur" dénoncés par Robert Lacoste m'était, m'est étrangère.


 Le sentiment dominant n'était ni celui d'une sympathie pour le FLN et plus généralement pour les "mouvements de libération nationale" (6), ni celui d'une sympathie pour l'Algérie française. Les sentiments négatifs l'emportaient à l'encontre des deux camps : le FLN, les "fellaghas" comme on disait, s'inscrivaient dans une généalogie de groupes criminels, après le Vietminh indochinois, dont les intérêts n'étaient pas les nôtres et leur étaient même largement contraires, et les partisans ardents de l'Algérie française apparaissaient souvent comme des bellâtres qui défendaient les intérêts des "colons" dont les intérêts et le mode de vie de la plupart différaient des nôtres.


En dehors de personnes appartenant à des groupes idéologiquement marqués (7), l'immense majorité des gens au milieu desquels je vivais, détestaient le FLN et n'adhéraient pas à la cause de l'Algérie française. La présence d'une importante communauté nord-africaine était ressentie comme un mal, une nuisance, un fardeau dont l'indépendance de l'Algérie nous débarrasserait certainement : il n'était pas question de vivre ensemble, ni même côte à côte, mais de se séparer, le plus vite et le mieux possible (8). La défense de l'Algérie française semblait indésirable, trop coûteuse humainement et matériellement.


L'indépendance de l'Algérie, le 5 juillet 1962, a été largement vécue en France d'Europe comme la promesse d'une libération de la présence nord-africaine sur le sol de l'ancienne métropole, comme un divorce souhaité de part et d'autre de la Méditerrannée, lui évitant de devoir "intégrer" neuf millions d'Arabo-Musulmans, comme la possibilité d'une modernisation de l'économie française, lui permettant de se tourner vers l'Europe et de tourner le dos à d'ingrates et coûteuses anciennes colonies. L'opinion publique de la France d'Europe  s'est désolidarisée à la fois des "colons" et des [autocensuré], disons des anciens colonisés, pour rester polis.

Ce ne sont pas les "libéraux", les "progessistes" qui ont gagné la bataille de l'opinion publique pour la convaincre de la bienfaisance de l'indépendance de l'Algérie : c'est Raymond Cartier (9), de Paris Match et de Radio Luxembourg, c'est le Doyen Georges Vedel de la Fac' de Droit de Paris. Raymond Cartier, dont on lisait les articles de Paris Match chez le coiffeur ou dans la salle d'attente du médecin ou du dentiste, et  dont on écoutait les éditoriaux autour de la table familiale sur Radio Luxembourg ("voici l'éditorial de Raymond Cartier, chef des bureaux américains de l'hebdomadaire Paris Match") répétait que la décolonisation de l'Indonésie avait été une bénédiction pour les Pays-Bas et avait permis la modernisation de leur économie, qu'il valait mieux développer la Corrèze que la région du Zambèze, opposait la dramatisation de la gestion française des conflits coloniaux à la sagesse britannique, invitait la France à s'intégrer dans l'Europe. Le Doyen Georges Vedel rappelait que le prix à payer pour que l'Algérie puisse éventuellement demeurer française, c'était la présence au sein de l'Assemblée Nationale française, de 120 à 150 députés algériens arabo-musulmans pour la plupart, parmi 400 ou 450 députés de la France d'Europe : Georges Vedel professait que tout lien colonial avait vocation à prendre fin dans l'égalité, soit par l'indépendance de la colonie à l'égard de la métropole (on a deux entités égales en droit international), soit par l'intégration de la colonie dans un ensemble constitué d'elle-même et de sa métropole (une France de Dunkerque à Tamanrasset). Dire cela à l'opinion publique, aux électeurs de la France d'Europe, c'était assurément les conduire à écarter l'option de l'intégration, compte tenu de son coût humain, matériel et politique.

Que faire pour améliorer les relations entre les deux rives de la Méditerrannée, 50 ans après l'indépendance de l'Algérie ?


 D'abord mettre fin aux flux migratoires sud-nord massifs et à sens unique (10), ensuite les inverser au moins partiellement, puis dé-bilatéraliser les relations entre l'Algérie et son ancienne métropole : l'Algérie relève du Maghreb arabe et la France de l'Europe. Et ni la France ni l'Algérie en tant que France ou Algérie ne se doivent plus rien, malgré les avis de Benjamin Stora, de Jean-Pierre Chevènement, de Bouteflika et de quelques autres animés par la passion pour les "mouvements de libération nationale" de Georges Guingouin ou d'Amirouche, ou pour le retour de la grandeur de la Vrôôôôônse généreuse et civilisatrice, amie naturelle des "pauvres du monde". Bye bye El Djézaïr !


N O T E S

(1) au début de la guerre d'Algérie et jusqu'en 1959, la commune de Colombes était administrée par Paul Bouchu, élu en 1947 sous l'étiquette R.P.F. (gaulliste), mais qui s'était détaché assez rapidement de ce mouvement; vers la fin de sa carrière politique, il reçut l'investiture du Centre Républicain (André Morice), de la Démocratie Chrétienne (Georges Bidault) et du Centre National des Indépendants; il eut pour successeur comme maire de Colombes, Marcelle Devaud, née Gugenheim, veuve de Stanislas Devaud, ancien député d'Algérie; Paul Bouchu était un petit industriel de Colombes, Marcelle Devaud, résidente de Neuilly-sur-Seine, était parlementaire gaulliste (Républicains Sociaux, puis UNR);

(2) Nord-Africains était le nom qu'on donnait généralement aux Maghrébins à cette époque; le vocable Maghrébins était connu mais peu utilisé; il avait une connotation savante, ethnologique, de spécialistes;

(3) le MNA, ou Mouvement Nationaliste Algérien, de Messali Hadj, mouvement historique du nationalisme algérien, fut rapidement dépassé en influence, en audience et en radicalité, par le FLN, ou Front de Libération Nationale; Messali Hadj fut placé en résidence surveillée sur une île de la côte atlantique et les mentions du MNA dans la presse populaire métropolitaine n'apparaissaient guère que dans les rubriques de "réglements de comptes entre Nord-Africains" relatant des exactions voire des assassinats perpétrés par des militants d'une faction (surtout le FLN contre le MNA) sur ceux de l'autre; c'est toutefois du MNA, mais non de son leader Messali Hadj qui déclarera y avoir toujours été opposé, qu'est parti le malheureux slogan à l'adresse des Européens d'Algérie : "la valise ou le cercueil", cette formule a pesé sur l'exode massif des Européens d'Algérie en 1962, et pèse encore très lourdement sur la perception de l'immigration sud-nord par une partie des Français d'Europe, des Européens d'Algérie repliés dans l'ancienne métropole après l'indépendance : "ils nous ont chassés, et maintenant ils s'installent chez nous";

(4) il me semble avoir entrevu à l'extérieur de commissariat de police de Colombes une plaque portant le nom de deux agents de police morts en service dans la commune : un certain Agent Sarre, qui a donné son nom à une avenue et à un quartier et qui a été tué (après avoir tué combien de fois lui-même ?) pendant les combats de l'été 1944, et un autre qui est probablement celui dont on a arrêté l'assassin devant la gare; je ne les place pas sur le même plan : Sarre était un volontaire qui pouvait, a peut-être, donné la mort à des soldats, "ennemis" certes, mais qui n'avaient pas besoin d'avoir été volontaires pour se retrouver là; le policier Robert Dufour tué pendant la guerre d'Algérie à Colombes, était un professionnel qui n'était pas là en tant que volontaire, et qui a été tué par un volontaire, un "résistant" algérien, un fellagha;

(5) on désigne ici par banlieue Saint-Lazare les communes de banlieue desservies les lignes de chemin de fer partant de la gare Saint-Lazare à Paris;

(6) la guerre d'Algérie était replacée dans un contexte général de mise en accusation de l'Europe (surtout le Royaume-Uni et la France) et de l'Occident en général par des dirigeants et des pays inamicaux dont la conférence de Bandoeng en Indonésie au printemps 1955 avait été une retentissante tribune;

(7) à Colombes, le PSU et les groupes qui l'ont précédé était très actif et visible dans les dernières années de la guerre d'Algérie; il se trouve que son animateur résident semble avoir été un imprimeur, du nom de Cary, de la paroisse catholique Saint-Pierre Saint-Paul, confiée aux Fils de la Charité fondés par le Père Anizan; ses thèses paraissent avoir eu un certain écho au sein d'une partie des paroissiens; cette gauche moralisante, culpabilisante, donneuse de leçons, constitua rapidement pour moi un des pôles du Mal en politique, l'autre étant la droite nationaliste, jacobine, europhobe de type Michel Debré, Alexandre Sanguinetti; je ne rencontrais éventuellement des partisans de l'Algérie française que parmi mes camarades de classe, leurs aînés (de peu) et leur famille. Je détestais le PSU, les amis du FLN et des mouvements dits de libération nationale du Tiers-Monde, et les partisans de l'Algérie française me contrariaient : je n'avais pas envie que l'Algérie reste française parce que je ne souhaitais pas voir 9 millions d'Arabo-Algériens rester français, ou pire, devenir Français à part entière, sur un pied d'égalité;

(8) il ne faut pas chercher ailleurs les racines profondes de l'attitude d'une majorité de Français d'Europe envers les flux migratoires sud-nord;

(9) Raymond Cartier a eu le mérite de plaider pour l'intégration de la France dans une Europe supranationale à une époque où cette cause n'était pas très populaire dans certains milieux de décideurs économiques toujours attachés à un protectionnisme devenu mortifère; il salua l'entrée (suivie d'un retrait rapide) du MRP dans la majorité gouvernementale au printemps 1962 parce que c'était, disait-il, "le parti de l'Europe", puis la candidature de Jean Lecanuet en 1965; vers la fin de sa carrière (1975), il ne comprit pas l'importance des préoccupations écologiques et ne les prit pas en compte dans ses publications : il était notamment favorable à l'exploitation des hydrocarbures des schistes bitumineux, en Amérique et ailleurs; il s'obstina longtemps à faire de De Gaulle sa référence la plus positive en politique intérieure française et de l'alliance avec les Etats-Unis, au-delà de l'Europe politiquement intégrée, sa référence en politique extérieure Comme si les deux étaient compatibles;

(10) la République Algérienne Démocratique & Populaire obligerait beaucoup l'Europe et la France en veillant sur le Sahel (Gadaffi n'est plus là pour le faire à sa façon), et notamment en stoppant les candidats à l'immigration vers le nord de la Méditerrannée. Silvio Berlusconi avait obtenu cela de Gadaffi en échange d'argent et de repentances. S'il faut dire que Charles X a eu tort d'envoyer une expédition à Sidi-Ferruch en 1830, changer les noms des rues Charles X (s'il y en a ...), dire que Louis-Philippe a eu tort de reprendre "le legs onéreux du régime précédent" selon sa propre expression (ou celle d'un de ses ministres), que tout ça c'est mal, qu'on regrette profondément, et si en échange l'Algérie nous protège des flux migratoires sud-nord, et garde sa jeunesse chez elle, elle a droit aurait droit, en plus, à notre reconnaissance profonde et sincère.

dimanche 8 mai 2011

Un Huit Mai à Colombes

Le 8 mai 1965, on commémorait le vingtième anniversaire de la fin en Europe de la Seconde Guerre Mondiale. Sur les ondes de Radio Luxembourg (qui prendra le nom de RTL en 1966), Raymond Cartier relevait les différences entre les commémorations de ce 8 mai selon les pays, et notait que dans les pays (Etats-Unis, Royaume-Uni) dont le titre de co-vainqueurs de la Seconde Guerre Mondiale était incontestable, les cérémonies étaient plus sobres qu'en France. Comme si, en France, certains voulaient compenser leurs doutes quant au bien-fondé du droit de ce pays à prétendre au statut de vainqueur par un étalage de symboles. Pour essayer de s'en persuader.

Le quotidien L'Aurore (Robert Lazurick) offrait un abonnement d'un an aux jeunes gens nés le 8 mai 1945. Dans le même journal, on pouvait lire que le Chancelier fédéral allemand Ludwig Erhard déclarait qu'il était impossible aux Allemands de célébrer le 8 mai, car la victoire des vainqueurs, puis leurs divisions avaient laissé l'Allemagne divisée et privée du droit à des élections libres dans tout le pays. Le même journal publiait une photographie de l'ambassadeur du Royaume-Uni en France, Sir Patrick Reilly, mis en présence de son collègue de Chine continentale, pays avec lequel la France avait établi des relations diplomatiques quatorze mois auparavant. Les deux diplomates s'évitent du regard.

A Colombes (1), la présence de drapeaux américains au sommet de mâts place Rhin et Danube (l'espace qui faisait communiquer les rues Saint-Denis et du Bournard) détonne : depuis des mois, la propagande anti-américaine sous couvert de campagne pour la "paix au Vietnam" est intense; l'arrivée à la mairie en mars 1965 d'une municipalité dite d'Union Démocratique dirigée par Dominique Frelaut (communiste) peut augurer d'une intensification de cette campagne : pour nous rendre en famille dans notre région d'origine, dans l'Aisne, nous traversons des communes dirigées par des communistes : Genevilliers, l'Île Saint-Denis etc... où la propagande en faveur de la "paix au Vietnam" est obsédante (mais je suis vacciné) (2). Une des adjointes de Dominique Frélaut est Hélène Le Savouroux, épouse du chef de file colombien de la S.F.I.O.. Photographiée devant un monument au morts ce 8 mai, Hélène Le Savouroux a le style d'une jeune femme moderne du milieu des années 1960. Les Le Savouroux ne sont pas des fanatiques (rien à voir avec le PS xénolâtre (3) d'aujourd'hui, qui semble descendre du PSU plus que de la S.F.I.O.) : trois ans plus tard, en 1968, dans une profession de foi dans laquelle Bernard Le Savouroux fait le tour de ses concurrents pour les élections législatives des 23 et 30 juin, il juge que le candidat du mouvement de Jean-Louis Tixier Vignancour est "courageux" mais que les positions de son chef de file doivent en éloigner tout "démocrate socialiste" (c'est le teme qu'il emploie).

Un salon de coiffure est ouvert ce 8 mai 1965 sur la place de la gare (en fait : avenue de l'Agent Sarre, un peu avant le croisement avec l'avenue Menelotte); j'y entre pour m'y faire couper les cheveux; pendant que j'attends, un client parle du 8 mai; je dois l'entendre dire que les vainqueurs de la Seconde Guerre Mondiale (auxquels il s'identifie et auxquels je ne m'identifie pas) qu'il a vécue n'ont pas exercé de vengeance "oeil pour oeil, dent pour dent" contre leurs adversaires vaincus (il est mal informé).

Le viaduc de l'avenue Ménelotte à partir de la gare de Colombes vers la gare du Stade est régulièrement recouvert d'affiches d'un parti de la majorité municipale : le P.S.U.. Ce mouvement représente un des pôles (4) de l'horreur politique à mes yeux, par son discours culpabilisateur, égalitariste, tiers-mondiste. Il a ses entrées non seulement à la Mairie de Colombes, mais aussi chez les militants chrétiens qui fréquentent la paroisse Saint-Pierre Saint-Paul : le chef de file local du P.S.U. est l'imprimeur Cary, dont l'atelier est sis rue du Four, petite rue médiévale le long de l'église (l'ancienne); il est imprimeur du P.S.U. et de la paroisse. Un beau jour de printemps, me promenant rue du Four, dont les murs étaient recouverts ça et là d'affiches du P.S.U. pour la "paix au Vietnam", je décide d'en arracher une; relevant la tête, je remarque que d'une fenêtre du presbytère, un vicaire, le Père Seince (récemment rappelé à D.), fils de la Charité (5), a observé la scène et semble d'autant plus assombri qu'il me connaît de vue : il m'a fait la catéchisme quelques semaines dix ans avant, et m'a déjà aperçu dans l'église (l'ancienne). Je ressens cette expérience comme gratifiante. Le 8 mai, c'est aujourd'hui, demain ce sera le 9, journée de l'Europe, et j'aime mieux ça. Depuis 7 ans, grâce notamment à son maire de l'époque, Paul Bouchu, Colombes est jumelée avec Frankenthal (6) dans le Palatinat et depuis un an avec Legnano (7) dans le nord de l'Italie. Vive l'Europe !


NOTES

(1) 48°55'25" N  / 02°15'08" E

(2) Le vaccin est composite : anticommunisme, considération du fait que si j'était américain je pourrais être au Vietnam du fait de la conscription, mis en danger par les Vietcongs qui sont volontaires par définition;
de même, si j'avais dix ou quinze ans de plus j'aurais pu être en Algérie du fait du service militaire obligatoire, mis en danger par les fellaghas du FLN djézaïrien; et aussi bien ce FLN que le Vietcong ont et avaient la sympathie des communistes;

(3) Un incident significatif : la réaction de membres lillois du M.J.S. (Mouvement des Jeunes Socialistes) à un entretien de F. Hollande, président de la République retransmis à la télévision en avril 2016. Lorsque F. Hollande évoque l'action du ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, relevant que celui-ci a "nettoyé la jungle de Calais", ce propos est accueilli par des clameurs d'indignation et de désapprobation. Non parce que cette libération de Calais n'aurait pas eu lieu. Mais parce que des résidents illégaux, de prétendus réfugiés ont été délogés de là où ils n'auraient jamais dû s'installer. C'est qu'on les aime, les squatters et les résidents illégaux, au M.J.S. !

(4) L'autre pôle est le stato-nationalisme cocardier, machine à faire se déchirer les Européens entre eux pour le plus grand bénéfice du reste du monde, et à faire rajouter des noms sur les monuments aux morts à chaque génération; à l'époque, il est incarné par la mouvance DeGaulliste, aujourd'hui par les prétendus "souverainistes" (qui ont volé ce mot aux Canadiens);

(5) Les Fils de la Charité ont été fondés par le Père Anizan; il s'agit d'une dissidence issue d'une congrégation plus ancienne fondée par St Vincent de Paul; les Fils de la Charité ont été en charge des paroisses catholiques de Colombes (sauf peut-être (?) une d'entre elles, à cheval sur 2 ou 3 communes : Les Vallées) de 1921 à 2003. Globalement, ils y ont fait beaucoup de bien. Ce que le Concile Vatican II a pu avoir malgré tout d'aspects positifs a été mis en place par eux à Colombes avec 15 ou 20 ans d'avance; ils ont permis à beaucoup de gens de découvrir une autre Eglise que celle qu'ils avaient pu connaître. Par la suite, cette pastorale a pu être contaminée par le béguin des issus de l'immigration des suds du monde, la propension à la générosité avec ce qui n'est pas à soi parce que c'est tristement humain, mais on a fait pire dans d'autres églises, issues de la Réforme, sous l'influence de groupes comme la CIMADE "mouvement oecuménique d'entraide" et membre de la Fédération Protestante de France;

(6) Le jumelage avec Frankenthal est bien vivant, y compris au niveau du partenariat entre les groupes politiques des conseils municipaux respectifs (notamment les Verts);

(7) Le jumelage avec Legnano semble mis de côté; ne serait-ce pas du fait du sectarisme de la Gauche ?