La nomination de Christiane Taubira comme Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, comportait un aspect provocateur, comme celle de Robert Badinter (1) dans les mêmes fonctions après les élections législatives de juin 1981. Sa personnalité n'a rien de consensuelle, mais est au contraire "clivante". Il était dans l'ordre des choses qu'elle fasse l'objet d'attaques. Ceux qui l'ont nommée l'ont fait exprès, pour créer la polémique et pouvoir dénoncer ensuite la noirceur d'âme de celles et ceux qui la critiquent : femme, noire, ultra-marine, de gauche, soeur en loge, elle doit être intouchable.
Je ne connais de Madame Taubira que ce que les médiats en rapportent, ce qui a filtré de ses campagnes électorales.
En 2002, elle s'est affichée, au sens propre, penchée à gauche (évidemment) avec la légende "Pour une République qui vous respecte". Ce qui ne veut rien dire. La nomination de Madame Taubira au Ministère de la Justice ne respecte pas la sensibilité d'un secteur important, probablement majoritaire, de l'opinion publique. Cette nomination est une prérogative du chef de l'Etat et du Premier ministre, mais leurs amis, eux-mêmes et l'intéressée sont mal venus de jouer les vierges effarouchées ou les humanistes scandalisés si la ministre est attaquée. Il leur faut assumer.
J'ai lu qu'elle avait annoncé qu'en tant que femme noire, elle aurait "200 ans d'avance" pour parler de la République. C'est une formule tellement c...., ou tellement codée à l'intention des loges maçonniques, qu'il m'est arrivé de douter qu'elle ait pu vraiment proférer cette sottise provocatrice.
Elle a tenu un meeting de campagne à Evry devant un auditoire composé presque exclusivement d'Africains ou d'Afro-Caribéens (probablement Français de nationalité en majorité). On me dira que c'est l'effet de son charisme, et de la sensibilité de ces publics devant ce charisme.
Elle a fait campagne pour le non au referendum de mai 2005 sur le Traité Constitutionnel Européen. L'année précédente, aux élections européennes, elle avait conduit une liste dont le programme recommandait l'acceptation de la candidature de la République de Turquie à l'Union européenne au nom du "respect des engagements" pris par les Européens envers cet Etat. Pris par qui, au nom des Européens, et avec quel mandat ? Et où ? En loge ?
Elle a fait campagne pour l'abrogation de la loi recommandant la prise en considération des aspects positifs de la colonisation dans les programmes scolaires, tout en étant elle-même à l'origine d'une loi mémorielle et tout en défendant la loi 90-615 du 13 juillet 1990, dite loi Fabius-Rocard-Gayssot. Madame Taubira appelle, suscite la polémique, engendre nécessairement des clivages par de telles prises de position.
Je ne puis m'empêcher de penser que la position de Madame Taubira envers la délinquance des mineurs est liée à l'origine ethnique, extérieure à la France d'Europe, de la plupart d'entre eux (2). Pierre Joxe, l'ancien ministre socialiste, désormais septuagénaire et en retrait de la polique active (tant mieux !), s'était récemment fait une spécialité d'intervenir dans les médiats pour réclamer un traitement moins répressif de cette délinquance spécifique.
Madame Taubira aurait été, voire serait encore, partisan(e) de l'autonomie, voire de l'indépendance de la Guyane. Je ne sais pas si cela correspond à ses vues actuelles. De toute façon, je ne le lui reprocherais pas. Je souhaite l'indépendance, la sécession des départements et territoires d'outre-mer non peuplés majoritairement de Français d'Europe ou de leurs descendants (3). On rapporte que Franco Frattini, ministre des Affaires Etrangères du gouvernement de Silvio Berlusconi, déplorait de devoir gouverner avec des gens qui "n'aimaient pas l'Italie". Je suppose qu'il faisait allusion à la Lega Nord (4), parti de la majorité gouvernementale de Silvio Berlusconi. Moi non plus, je n'aime pas ce qu'il est convenu d'appeler "la république française une et indivisible", Etat nation jacobin et multicontinental. J'aurais trouvé très positif que l'Etat français soit gouverné par une majorité comprenant des nationalistes corses, basques etc...qui soient, en même temps que citoyens français, des fédéralistes et nationalistes européens opposés à l'Europe-Monde. Le premier parti, autonomiste ou indépendantiste, de Madame Taubira portait un nom qui peut évoquer beaucoup de choses : Walwari (5), ou l'éventail. Puis Madame Taubira, élue députée à l'Assemblée nationale en 1993, commença par voter la confiance au gouvernement d'Edouard Balladur. Mais ceci est une autre histoire.
Madame Taubira m'est hyper-antipathique. C'est par ailleurs une dame très courtoise : il fallait la voir saluer François Fillon.
NOTES
(1) Robert Badinter était hostile à la peine de mort, que sa famille politique avait allégrement appliquée trente-cinq ans plus tôt ("C'est de l'auto-épuration" pouvait-on lire dans Le Populaire, organe du Parti socialiste, à propos du suicide de Drieu La Rochelle) à un moment où ce débat traversait toutes les familles politiques (un député PS de Haute-Garonne portant un nom à consonance flamande était notoirement hostile à l'abolition de la peine capitale) et où, paraît-il, l'opinion publique était encore majoritairement favorable à son maintien; sa dénonciation d'Alfred Fabre-Luce, étiquetté "antisémite distingué" et auteur d'un essai intitulé "Pour en finir avec l'antisémitisme", ou quelque chose comme ça, et qui lui avait déplu, en faisait un personnage assez, disons, abrasif;
(2) empruntant la ligne C du RER francilien entre Choisy-le-Roi et Juvisy-sur-Orge tout récemment, je n'ai pu obtenir de deux "jeunes" d'origine ethnique extérieure à la France d'Europe que l'un d'entre eux veuille bien éteindre sa cigarette : le fumeur a refusé, et son camarade m'a enjoint de m'éloigner si je voulais "rentrer en paix chez (moi)", ce qui s'appelle des menaces; et il a explicité sa position par l'annonce suivante : c'est Hollande qu'a été élu, alors t'as plus le droit de nous faire chier (sic); la majorité des autres voyageurs, peu nombreux ce jour férié, étaient de même origine que l'auteur des menaces; ils ne sont pas intervenus dans l'altercation, mais ils l'ont suivi avec attention et tension; le sourire amusé de plusieurs d'entre eux semblaient indiquer une certaine admiration envers le "cran" (c'est le cas de le dire) des deux trublions qui m'auraient légitimement remis à ma place pour avoir manqué de crainte et de déférence envers ces représentants de la France d'aujourd'hui et de demain;
(3) je suis partisan de l'indépendance immédiate, au plan sportif international, de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Guyane, de La Réunion, pour que ces territoires aient le même statut qu'ont le Pays de Galles, l'Ecosse, l'Irlande du Nord, Gibraltar etc... dans les compétitions sportives internationales; Saint-Pierre & Miquelon, Saint-Barthélémy dans les Iles de la Guadeloupe sont notoirement peuplés des Français d'Europe, ou de descendants de ceux-ci;
(4) la Lega Nord est en principe pour l'indépendance de la Padanie, du nord de la péninsule italienne, à terme, et pour la fédéralisation à plus court terme de l'Etat italien; dans ce qu'il est convenu d'appeler la république française, la participation d'un tel parti à une majorité gouvernementale serait impensable, sacrilège, blasphématoire;
(5) Walwari signifie éventail dans une langue amérindienne des Guyanes; l'éventail peut évoquer les contraintes engendrées par le climat tropical, le raffinement des sociétés coloniales d'antan, mais c'est aussi avec cet objet qu'un Dey d'Alger aurait frappé un Consul de France, déclenchant la calamiteuse conquête de l'Algérie dont nous n'avons pas fini de payer les conséquences à très long terme.