samedi 10 janvier 2015

Des moines de Lérins à Charlie-Hebdo

Le médecin urgentiste Patrick Pelloux, ami et collaborateur de Charlie-Hebdo, était invité à plusieurs reprises cette semaine sur les ondes, pour évoquer, souvent avec des larmes, ses amis du journal, victime d'un attentat meurtrier le 7 janvier 2015

Le Docteur Pelloux savait, ou croyait savoir, que la rédaction de Charlie-Hebdo était en train de préparer un dossier "contre le racisme" (traduisez : contre toute tentative de résistance aux flux migratoires intercontinentaux sud-nord) lorsqu'elle a été plus que décimée par des terroristes djihadistes. Et Patrick Pelloux de sangloter : comment des gens issus de ces flux migratoires relativement récents ont-ils pu assassiner des journalistes qui ne leur voulaient que du bien ?

Il y a un précédent qui remonte à ce qu'on appelle l'Antiquité tardive (approximativement du 3e au 5e siècle). Une communauté monastique s'était installée dans l'île de Lérins, au large de la Provincia Romana (la Provence gallo-romaine). Ses membres, venus d'un peu partout en Europe, mais surtout du nord de la Gaule, étaient des gens qui passaient pour très cultivés. L'un deux, un certain Salvien de Marseille, commit un ouvrage en latin intitulé "De Gubernatione Dei" (Du gouvernement de Dieu) dans lequel il évoquait la supériorité morale (sic) des Barbares sur les Romains. C'est-à-dire des populations issues des flux migratoires intracontinentaux nord-sud sur les Gallo-Romains. Bien avant que n'existent le CCFD catholique et la CIMADE oecuménique d'origine protestante, il existait des clercs entichés, énamourés de certains migrants. Ces Barbares, qui étaient nos ancêtres,  brûlaient les villes, ravageaient les campagnes, détruisaient églises et monastères, se voyaient attribuer une "supériorité morale" sur et par ceux-là même qu'ils venaient envahir et conquérir. Ben oui, c'était déjà comme ça.

La légende rapporte que lors d'un abordage de leur île par un groupe de ces Barbares, les moines sont sortis pour les accueillir avec des vivres et d'autres présents. Qu'imaginez-vous que firent lesdits Barbares ? Ils massacrèrent tout simplement ceux qui étaient venus leur souhaiter la bienvenue, puis s'emparèrent de leurs offrandes et pillèrent le monastère.

Ce fut un crime, un acte barbare, mais au fond, si on adopte le point de vue de ces nouveaux arrivants, on ne peut que les trouver cohérents. Plus tard, le monastère fut reconstruit, repeuplé de moines, et dut subir les assauts des conquérants maghrébins, poliment dénommés Sarrasins dans nos livres d'Histoire.

L'histoire des moines de Lérins, de Salvien de Marseille louant les Barbares aux dépens des Romains, ressemble un peu à celle des journalistes de Charlie-Hebdo s'affairant selon leur camarade le Docteur Pelloux à un dossier dénonçant tout résistance (assimilée à du racisme) aux flux migratoires intercontinentaux sud-nord. Comme le fanatisme, la haine de soi déguisée en amour de l'autre, la générosité avec ce qui n'est pas (qu') à soi est de toutes les époques. Hélas.