Il était de tradition que le président de la République honorât de sa présence cette manifestation annuelle. En cette année 1957, le président René Coty n'avait pas dérogé à cette tradition et assistait au match dans la tribune du stade Yves du Manoir de Colombes.
René Coty (vers 1953) |
Ali Chekkal |
D'autres personnalités figuraient parmi les hôtes du stade pour cette finale. Parmi elles, l'ancien vice-président de l'Assemblée Algérienne, Ali Chekkal, originaire de Mascara (Algérie). Cet ancien élu musulman d'un département alors français d'Algérie avait été condamné à mort par un "tribunal" du FLN (Front de Libération Nationale) algérien, organisation interdite, qui depuis Le Caire menait une lutte armée contre la France et contre une organisation rivale, le M.N.A. (Mouvement Nationaliste Algérien), en Algérie et en Europe.
Ali Chekkal avait épousé une Française originaire de Montpellier, et avait donné à ses enfants des prénoms français. Il avait peu auparavant assisté au sein de la délégation française à une session de l'Assemblée Générale de l'O.N.U. à New York.
Pour l'"exécution" de ses "sentences" de mort, le FLN algérien avait créé des.....sections spéciales (rien à voir avec celles de Vichy.....). Ce dimanche 26 mai 1957, l'organisation terroriste avait dépêché à Colombes un de ses membres, un dénommé Mohamed ben Sadok (°1930). La banlieue dans laquelle se situait la commune de Colombes comportait déjà une forte population d'origine maghrébine, surtout algérienne, au sein de laquelle les réglements de compte souvent meurtriers entre FLN et MNA inquiétaient la population européenne. Les terroristes des sections spéciales algériennes pouvaient évoluer sans être forcément remarqués au sein de la population originaire d'Outre-Méditerrannée.
Le match terminé, le président René Coty alla prendre congé d'Ali Chekkal, connu par ailleurs comme amateur de football, puis regagna Paris en voiture. Mohamed ben Sadok, élégamment vêtu d'un loden, s'approcha d'Ali Chekkal et tira en sa direction à 1,50 m de distance de sa victime. Ali Chekkal, grièvement blessé, s'écroula, perdant son sang en abondance. Un policier en retraite parvint à maîtriser Mohamed ben Sadok qui était en passe d'être lynché par la foule qui scandait : "Assassin ! Assassin !". Le terroriste fut exfiltré, conduit à Paris où il reconnut son appartenance au FLN algérien et se vanta d'avoir "exécuté" un "des derniers Musulmans amis de la France" (sic). Ali Chekkal fut transporté dans un hôpital à Nanterre, commune voisine de Colombes, où il décéda d'une hémorragie interne causée par le tir de Mohamed ben Sadok. Il eut droit à des obsèques nationales avec cérémonie aux Invalides, et fut inhumé dans le cimetière de Thiais (Seine). Son assassin fut jugé en cour d'assises, condamné à mort, peine commuée en travaux forcés à perpétuité, et libéré dans le cadre des Accords d'Evian de 1962.
http://www.ina.fr/video/AFE85007408
Dans la confusion et les bousculades consécutives à l'attentat, la rumeur courut d'abord que c'était le président René Coty lui-même qui avait été abattu par un "fellagha" (1).
La France n'avait plus de gouvernement depuis le mardi précédent : le gouvernement du président du Conseil Guy Mollet expédiait les affaires courantes. Il ne sera remplacé par le gouvernement de Maurice Bourgès-Maunoury que le 12 juin suivant. Depuis 1947, le maire de Colombes est Paul Bouchu (2).
Mohamed ben Sadok fut considéré comme un héros dans l'Algérie indépendante. Il était désigné comme "fedaï" (pluriel : fedayin), un combattant de la liberté, exécuteur du "traitre" Ali Chekkal. Sur un site dont les directeurs de conscience sont issus du FLN, Mohamed ben Sadok prétendra, contre toute évidence, que les autorités françaises avaient tenté de traiter l'affaire comme un simple fait divers. Dans la crainte que l'opinion de la France d'Europe ne prît conscience de la force du FLN, capable de frapper en Métropole. C'est absolument inexact. Sur ce site pro-FLN, Ali Chekkal devient Ali Chakal (sic) et le dimanche 26 mai devient le 29 du mois.
L'hebdomadaire Paris-Match consacra un bon reportage photographique à cet attentat, avec des images de la présence algérienne en banlieue. Sous le titre, rappelé à chaque page dans un petit rectangle : fellagha (1).
Certains compareront le geste de Mohamed ben Sadok à celui de "résistants", de "maquisards" pendant la guerre 1939-1945. Cette comparaison n'est pas illégitime. Mais comme sur ce blog on n'a jamais été admirateur de la Résistance française, comme on n'y a jamais honoré les émules du "Colonel" Fabien, de Georges Guingouin, des bandes de Rol-Tanguy et de Kriegel-Varlimont, les assassins de Philippe Henriot, il est cohérent qu'on y considère Mohamed ben Sadok comme un terroriste. Il doit de ne plus être regardé comme un terroriste parce qu'il figure parmi les vainqueurs du conflit dont il a été un protagoniste. Si l'Algérie était restée française, Mohamed ben Sadok serait toujours considéré comme un terroriste. Si les puissances de l'Axe n'avaient pas été écrasées en 1945, le "Colonel" Fabien serait catalogué comme terroriste, et il est même possible que le général Leclerc, et d'autres, auraient eu à répondre de crimes de guerre. L'Histoire écrite par les seuls vainqueurs n'est pas la nôtre, n'est en tout cas pas notre Mémoire (3).
Pourquoi évoquer cette page de l'histoire de Colombes et de la guerre d'Algérie ?
Parce que j'ai résidé à Colombes pendant une partie de mon enfance et mon adolescence, à l'époque où le terrorisme FLN faisait rage en banlieue, notamment à travers le conflit FLN-MNA.
C'est ma réponse, mon bras d'honneur, aux appels à "assumer le passé" émanant des autorités morales auto-proclamées, à "regarder l'Histoire en face".
Parce que Colombes a été, entre 2008 et 2014, administrée par une municipalité à direction PS qui s'est singularisée par des gestes indécents au nom....de la Mémoire, du..."devoir de regarder l'Histoire en face", "d'assumer le passé". Cette municipalité a commémoré officiellement les manifestations auxquelles avait appelé le FLN en octobre 1961, les considérant comme "pacifiques". Ces commémorations ont eu lieu à Colombes en présence de ministricules de la dictature de Bouteflika, héritière du FLN. Il est grotesque et indécent de qualifier les manifs FLN de "pacifiques" : le FLN a posé un acte de guerre en France d'Europe pour vérifier sa représentativité parmi les Algériens résidant en France d'Europe, en les appelant notamment à défier le couvre-feu. Ces manifs ont été réprimées à Colombes comme ailleurs. Leur répression ne m'a pas fait pleurer, ni causé aucune joie. Elle m'a certainement rassuré : voilà pour le regard posé sur l'Histoire. Sans reécriture aucune. Elle n'a ni hâté ni retardé l'accession de l'Algérie à l'indépendance. La commémoration de ces manifestations de 1961 et de leur répression aurait dû être limitée aux locaux du consulat algérien compétent pour Colombes et son secteur, ou à la rigueur à des locaux loués par celui-ci. Sans provocations envers les survivants et descendants des victimes des actions du FLN. Sans que la municipalité de Colombes y participe ès-qualités.
Devenue opposition municipale en 2014, l'équipe de l'ancien maire Philippe Sarre (°1951) (4), interpella la nouvelle municipalité de Nicole Goueta (5) pour lui reprocher véhémentement de ne plus s'associer à ces commémorations des évènements d'octobre 1961 selon l'optique FLN. Errare humanus est, perseverare diabolicum". Le PS colombien contemporain refuse d'assumer son clientélisme envers son électorat arabo-musulman local, et invoque au nom de la morale un prétendu devoir de faire sienne la Mémoire des vainqueurs : "assumer son passé, l'Histoire" etc....Deconantum bien connu....
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Jean-Marie Lallau
N O T E S
(1) fellagha : pillard, coupeur de routes; désignation généralement appliquée pendant les évènements d'Afrique du Nord (1952-1962) en France d'Europe aux éléments armés s'opposant aux forces de l'ordre et à l'armée française. On dit aussi, plus péjorativement : fellouze.
(2) Paul Bouchu : excellent maire de Colombes de 1947 à 1959. Elu en 1947 avec l'investiture du RPF (gaulliste), il fut battu en 1959 par la liste de Mme Marcelle Devaud, UNR (gaulliste). Paul Bouchu avait, en fin de mandat, le soutien du Centre National des Indépendants, du Centre Républicain (André Morice), de la Démocratie Chrétienne de France (Georges Bidault). On lui doit le jumelage, en 1958, de Colombes avec la commune de Frankenthal en Allemagne, dans le Palatinat.
(3) une plaque apposée sur la façade du commissariat de police de Colombes rappelle que deux de ses gardiens de la Paix sont tombés en service : André Sarre en 1944 dans les rangs de "libertadors" et Roger Dufour en 1959 assassiné par le FLN. André Sarre était volontaire pour tuer et a été tué par des soldats non volontaires. Roger Dufour a été tué en service par le FLN algérien, sans avoir besoin d'être volontaire pour s'opposer à eux. Entre les deux, j'ai fait mon choix : celui d'entre eux auquel il m'est plus facile de m'identifier.
(4) Philippe Sarre (°1951), maire PS de Colombes de 2008 à 2014 a exhalé son sectarisme en qualifiant de "libération" la défaite de Nicolas Sarközy en 2012. Moins de deux ans plus tard, une alliance UMP-UDI-MoDem libérait Colombes de l'équipe de Philippe Sarre. Mais en décembre 2015, la liste conduite par l'hyper sectaire Claude Bartolone aux élections régionales était en tête des suffrages à Colombes. Vigilance !....
(5) Nicole Gouéta (°1937) a mis fin aux trente-six années de mayorat de Dominique Frélaut (PCF) en mars 2001. Elle a été maire de Colombes de 2001 à 2008. Battue par la liste de Philippe Sarre en 2008, elle a repris à celui-ci la mairie de Colombes en mars 2014.
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