Etampes (Essonne), années 1990
Madame D. était professeure dans les sections professionnelles d'un grand lycée du sud de l'Essonne (1). Elle habitait Lardy (91). Elle était née en 1938. Comme son mari et beaucoup de ses collègues, Madame D. était une militante politique. Du genre teigneuse pouvant devenir pétroleuse.
Le proviseur du Lycée se disait psycho-polémologue (2), faisait partie d'une structure de l'Education Nationale de lutte contre les "dérives sectaires", en réalité contre toutes les incorrections politiques, sociétales, historiques. J'ignore quelles étaient les relations entre Madame D. et le Proviseur. Celles que j'entretenais avec ce dernier étaient exécrables. Des lâchers de rumeurs en aparté ou en salle des profs, avaient pour objet de m'empêcher de fonctionner professionnellement, de m'isoler. Elles portaient surtout sur des préférences politiques qu'on me prêtait, à tort ou à raison.
J'eus besoin du concours de Madame D. pour réaliser une séquence pédagogique avec sa classe devant un Inspecteur pédagogique chargé de m'évaluer. Elle accepta avec paraît-il beaucoup de réticences, sans les exprimer en ma présence.
Pendant tout le déroulement de la séquence, en présence des élèves, de l'Inspecteur et de moi-même, elle arbora un badge "Non à l'Extrême-Droite" au revers de sa (généreuse...) poitrine ce qui, à mon avis, constituait un manquement au devoir de réserve, une faute morale, déontologique et professionnelle. Je savais que j'étais chez les Barbares. Mais pour le moment, je me voyais égaré au pays des garces.
1994. Silvio Berlusconi forme un gouvernement avec la Lega Nord (anti-immigration) et l'Alleanza Nazionale (accusée de "néo-fascisme" par ses ennemis). Sur le marché du samedi matin à Etampes, Madame D., accompagnée d'une "camarade" à elle, distribue des tracts et une brochure. Elle s'approche de moi et me demande de lui acheter sa belle brochure sur papier glacé dont les titres expriment leur hostilité au nouveau cours politique en Italie. D'un air de dire : "prends ça pour te soigner". Je lui propose, si elle est sincère et motivée, de me la donner. Crispation de Madame D. qui refuse avec humeur et s'éloigne pour s'entretenir avec sa "camarade" et continuer sa propagande.
Madame D. a pris sa retraire bien avant d'atteindre la soixantaine. C'était une famille militante que celle de Madame D., de Lardy. Elle laissait entendre que son mari travaillait pour le compte du P.S. (qui contrôlait la mairie de Lardy à cette époque). Lardy est une charmante petite commune verdoyante du centre de l'Essonne, qui accueille le Centre Technique d'Essais des Automobiles Renault. Sa proximité relative (une 40aine de kms) de Paris y a attiré beaucoup de BoBos (Bourgeois Bohêmes).
Je n'ai jamais revu Madame D. à ce jour. Elle incarnait pour moi une des figures de l'intolérance aux nom des "valeurs 2 la répuplik".
N O T E S
(1) j'étais moi-même professeur dans ce lycée à l'époque;
(2) formé chez les Jeunes Communistes, le Proviseur avait évolué vers le chevénementisme dont l'animateur dans l'Essonne était alors le sénateur-maire des Ulis, M. Loridant; ce proviseur, ancien prof de Maths, se piquait d'être en formation en psycho-polémologie, et jouissait d'un certain respect au sein de la "communauté éducative" du fait de ses fonctions "anti-sectes", et des protections qu'on lui attribuait. Il avait, dans un rapport me concernant, affirmé que ma présence dans son établissement désorientait les collègues "attachés à un pluralisme de bon aloi (sic)".