Le 21 novembre 1620 (11 novembre du calendrier julien encore en usage en Angleterre à l’époque), le navire Mayflower (Fleur de Mai) jetait l’ancre dans la baie de Plymouth (actuel Etat du Massachusetts, aux Etats-Unis) et les passagers venus d’Europe débarquaient.
Ce n’était pas la destination initiale du voyage qui était "les régions septentrionales de la Virginie" selon le Mayflower Compact (voir le Post Scriptum).
Cette installation constitue la troisième tentative d’implantation de colons européens venus des Iles Britanniques sur le continent américain, et la première qui se soit avérée réussie et durable.
L’historiographie désigne ces passagers sous le nom de Pilgrim Fathers (les Pères Pélerins), et leur installation est considérée comme un évènement fondateur dans l’histoire des futurs Etats-Unis d’Amérique.
Le but de ces "pélerins" était de pouvoir pratiquer librement leur religion chrétienne et de vivre conformément aux principes qu’ils tiraient de celle-ci.
A l’origine lointaine de cette odyssée, on trouve un pasteur du comté de Notthingham (dans les Midlands) nommé Richard Clyfton (ou Clifton) à la fin du XVIe siècle. La prédication de Richard Clyfton conduisait son auditoire à se séparer (d’où le nom de "Separatists" donné à l’origine à ses fidèles) de l’Eglise Etablie d’Angleterre (Anglicane) dont la doctrine et la pratique lui paraissaient non conformes à l’Evangile.
Ceci intervenait dans un contexte difficile : l’Eglise Anglicane n’était pas à l’abri de tentatives de restauration catholique, la dynastie des Stuarts dont le roi d’alors, Jacques Ier, était issu, pouvait être contestée.
L’existence des Separatists constituait en elle-même ce qu’on appellerait aujourd’hui un trouble à l’ordre public. Nombre de ceux-ci quittèrent l’Angleterre et s’intallèrent aux Pays-Bas, dont un noyau important à Leyde. Ils y trouvèrent une situation politique et religieuse "volatile"(1), ce qui les conduisit à rechercher un autre lieu de refuge.
Après bien des difficultés et des rebondissements divers, deux navires furent affrêtés pour transporter ces dissidents religieux dans le Nouveau Monde, avec la tolérance de la Couronne, mais sans son soutien : le Speedwell et le Mayflower. Le Speedwell connut rapidement une averie de coque qui l’empêcha de traverser l’Atlantique. Le Mayflower (en anglais, le terme désigne une fleur qu’on appelle en français un coucou, de la famille des primevères) met le cap pour l’Amérique à la mi-septembre 1620 avec une centaine de passagers, deux chiens au moins, et un équipage de 25 à 30 personnes.
Parmi les passagers, les dissidents religieux ne sont qu’une quarantaine, ce qui va rapidement créer une difficulté : les passagers n’appartenant pas à ce groupe vont objecter que le lieu de débarquement n’est pas celui qui était prévu au départ de l’expédition, et qu’ils ne se trouvent pas tenus à l’obéissance envers les autorités qui se constitueraient dans la colonie.
De façon à prévenir des désordres, les dissidents religieux rédigent un pacte, connu sous le nom de Mayflower Compact(*), destiné à servir de charte aux colons. Ce texte est signé par plus de quarante passagers dès avant le débarquement.
Un enfant est né pendant la traversée. Un autre est né alors que le Mayflower recherchait un lieu de débarquement le long des côtes de la Nouvelle-Angleterre. La santé des passagers (dont certains retournèrent en Angleterre) avait été éprouvée par le voyage (scorbut, ou conséquence du manque d’aliments fournissant de la vitamine C) (2) et la mortalité, au bout d’un an, s’avéra très importante.
A l’occasion de la première récolte, en 1621, un des dirigeants de la colonie, connue sous le nom de New Plymouth, fit célébrer des jours d’action de grâces (remerciements), célébration qui est à l’origine de l’institution de la fête de Thanksgiving (3).
Les Pères Pélerins furent aussi désignés sous le nom de Puritains (en référence à leur préoccupation de vivre selon des principes purifiés des traditions mondaines).
Plusieurs personnalités de l’Histoire des Etats-Unis descendent de passagers du Mayflower, dont des présidents, des acteurs (Clint Eastwood, Brad Pitt). Parmi les passagers figure un certain Cartier, domestique d’un cordonnier anglais ; on ignore son origine, s’il était ou non parent de Jacques Cartier, explorateur et découvreur de la Nouvelle France au Canada ; son nom fut anglicisé en Carter, et il figure parmi les ancêtres de James Earl (dit Jimmy) Carter (°1924), trente-neuvième président des Etats-Unis (1977-1981).
N O T E S
(1) Les Pays-Bas, connus à l’époque sous le nom de Provinces-Unies, étaient la plupart du temps en guerre avec l’Espagne dont relevait la plus grande partie de l’actuelle Belgique (moins la principauté de Liège, mais avec une partie de l’actuel nord de la France) ; l’église réformée (protestante, issue de la réforme de Jean Calvin) se divisait entre Gomaristes et Arminiens autour de l’idée de prédestination et le pouvoir politique se mêlait à cette querelle théologique.
(2) Beaucoup plus tard, pour remédier aux conséquences d’une alimentation pauvre en produits frais lors de longs voyages en mer, la consommation périodique d’un verre de jus de citron fut rendue obligatoire sur les navires anglais ; cette pratique étonna beaucoup les contemporains et surtout les étrangers qui tournèrent en dérision ceux qui y étaient astreints en désignant les marins anglais sous le nom de "limeys" (de lemon, qui veut dire citron, qui a donné lime-juice, qui signifie jus de citron vert) ; par extension, dans le monde anglophone, "limey" désigne péjorativement un Anglais, et peut être traduit par Angliche.
(3) La fête de Thanksgiving sera officialisée au niveau fédéral en 1863 pendant le mandat du président Abraham Lincoln ; au Canada, cette fête est célébrée à une autre date qu’aux Etats-Unis, mais toujours en automne ; on retrouve une fête des récoltes (Succoth) dans la Bible hébraïque, connue des Puritains, qui est célébrée en automne. Et certains avancent qu’en cette même saison, les Amérindiens Iroquois célébraient aussi une fête des récoltes.
Post Scriptum :
(*) Texte du Mayflower Compact : « Au nom de Dieu, amen. Nous soussignés, loyaux sujets de notre respecté souverain Jacques, par la grâce de Dieu Roi de Grande-Bretagne, de France et d’Irlande, défenseur de la foi, etc ». « Ayant entrepris, pour la gloire de Dieu, pour la propagation de la foi chrétienne, et l’honneur de notre roi et de notre pays, un voyage pour implanter la Première Colonie dans les régions septentrionales de Virginie, par la présente, nous convenons solennellement ensemble, devant Dieu et devant chacun d’entre nous, de nous constituer en un corps politique civil, pour notre administration et sauvegarde et par delà, aux fins susdites ; et en vertu de cela de nous conformer, de décider et de concevoir à l’occasion des lois, ordonnances, actes, décrets et obligations, aussi justes et équitables qu’il semblera à propos et convenable d’adopter pour le bien public de la Colonie, et auxquelles nous promettons toute la soumission et l’obéissance requises. En témoignage de quoi nous avons ci-dessous apposés nos noms à Cape Cod, ce 11 novembre de la quatrième année du règne de notre souverain seigneur Jacques, dix-huitième roi d’Angleterre, de France et d’Irlande, et cinquante-quatrième roi d’Écosse. Anno Domini 1620. »
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