jeudi 12 janvier 2012

"Liberticides", qu'ils disent

"Liberticide". Voilà le mot couramment prononcé sur les grands médiats (1), pour qualifier le cours actuel de la politique du gouvernement de Budapest.

On attend de savoir de quoi il s'agit, et on prend en pleines oreilles l'énumération suivante : le nom officiel de l'Etat n'est plus "République de Hongrie" ou "République hongroise", mais Hongrie tout court (2); la nouvelle Constitution fait référence à Dieu (3); elle prohiberait la cessation volontaire de grossesse et le mariage entre personnes de même sexe (4). Enfin, horresco referens, une personne que ses opinions politiques devraient faire frapper d'interdiction professionnelle va être placé à la tête d'une importante institution culturelle dont les collaborateurs sont, paraît-il, inquiets voire effrayés à la persepective de ne plus se retrouver entre eux, entre gens de même opinion, ou à peu près (5).

Le gouvernement de Viktor Orbàn favoriserait le "nationalisme". Ce n'est pas ici qu'on fera l'apologie de l'idolatrie de l'Etat-nation, beaucoup plus dangereuse et pernicieuse dans un pays marqué par des flux migratoires massifs et continus comme l'Hexagone (6), qu'en Hongrie. Le "souverainisme" à la Chevènement, à la Dupont-Gnangnan, à la Marine Le Pen, à la Villiers est une énorme bêtise. Mais cette idéologie bête et méchante (les "souverainistes" voient "leur" Etat-nation sans cesse menacé par les autres, sans cesse victime et jamais prédateur) est promue par des gens qui dénoncent le cours de la politique hongroise au nom du "projet européen" (7).

Ceux qui défendent les lois Fabius-Rocard-Gayssot en France, Eerdekens-Mayeur en Belgique défendent des lois liberticides. Leur crédibilité pour donner des leçons à la Hongrie en est définitivement entachée.

NOTES

(1) j'emploie l'orthographe "médiat" par solidarité avec le professeur Bernard Notin victime de la Milice Zélote de la Pensée mise en place par la loi liberticide Fabius-Rocard-Gayssot;

(2) Israël porte le nom d'Etat d'Israël, et ne se désigne pas comme une république; pourtant ce "courageux petit Etat" serait "la seule démocratie du Proche-Orient";

(3) je crois que c'est aussi le cas de la Loi Fondamentale de la République Fédérale d'Allemagne, de 1949;

(4) le mariage entre personnes de même sexe n'existe pas dans l'Hexagone sans que cela gêne beaucoup les minorités sexuelles et la cessation volontaire de grossesse n'est pas autorisée dans toute l'Union européenne;

(5) dans le lycée où j'exerçais dans le sud de l'Essonne, les collègues désignaient les établissements dans lesquels régnait un consensus sur les préférences politiques et les questions de société comme des lieux de "bonne ambiance", tandis qu'un pluralisme relatif perceptible en salle des profs "cassait l'ambiance";

(6) je suis convaincu que les stato-nationalistes de toute sensibilité (Eurosceptiques, souverainistes etc...) vont finir par bénir, laïquement sans doute, mais par bénir tout de même les flux migratoires sud-nord qui dopent la démographie du pays et accroissent son poids géopolitique par rapport à ses voisins;

(7) le "projet européen" initial n'avait que peu à voir avec des "valeurs" : il s'agissait de fournir à la IVe République naissante une politique de rechange à l'égard de l'Allemagne dont ni les Anglo-Américains ni Staline n'acceptaient le démembrement souhaité initialement par les gouvernements français; c'était un moyen de limiter un retour de l'Allemagne, même limitée à la République de Bonn, à une pleine indépendance, de la contrôler; pour moi, ce qui compte, c'est de priver tous les Etats-nations européens des moyens de s'opposer les uns aux autres comme c'est leur vocation puisqu'ils se sont constitués historiquement les uns contre les autres, situation dont ont tiré profit les acteurs non-Européens (Amérique, Commonwealth, Franphoconnerie, chair à canon coloniale etc...) appelés à arbitrer les rivalités et conflits intra-européens