Les élections législatives de juin 2007 avaient vu s'affronter dans le XIIe arrondissement de Paris l'avocat rollerman Arno Klarsfeld (alors UMP) et une certaine Sandrine Mazetier (PS). Je n'avais jamais entendu parler de cette dernière personne jusque là, alors que la capacité de nuisance de son principal concurrent et de sa famille m'était bien connue.
Je m'étais pris à penser que, peut-être, si je résidais dans le XIIe arrt. de Paris, la question pourrait se poser d'apporter mon suffrage à Sandrine pour empêcher un Klarsfeld (1) de siéger à l'Assemblée Nationale. La première fois où j'avais vu un (en l'occurence une) Klarsfeld briguer un siège parlementaire, c'était il y a bien longtemps : Beate Klarsfeld, la mère d'Arno, s'était portée candidate aux élections au VIème Bundestag (1969) dans le Bade-Wurtemberg (je me souviens que la commune de Waldshut se trouvait dans la circonscription où elle était candidate). Elle portait les couleurs de l'Aktion Demokratischer Fortschritt (Action Progrès Démocratique), cartel de groupes dont la DFU (Union allemande pour la Paix), ancien cache-sexe du Parti Communiste allemand avant sa légalisation en 1968 (2) était membre. Etudiant à Strasbourg, j'étais en villégiature à Tübingen et la campagne électorale y était très visible, les militants des différents partis distribuaient la propagande électorale des partis en lice. C'est dans un petit journal du Parti communiste que j'ai pris connaissance de la candidature de Mme Klarsfeld dont l'adresse à Paris figurait en toutes lettres sous sa photo (elle avait alors tout juste trente ans). Bien sûr, et heureusement, elle n'a pas été élue.
Mais revenons à 2007. Sandrine Mazetier a battu Arno Klarsfeld qui a quitté l'UMP (tant mieux pour ce parti) et rompu avec l'Elysée . Ca faisait certes un député PS de plus et le bilan de cette formation en matière de libertés publiques (loi FABIUS-ROCARD-Gayssot) et de complaisance envers les flux migratoires sud-nord ne permettait pas de s'en féliciter. Mais, d'une autre côté, ça écartait un Klarsfeld du Parlement.
J'éprouvais un certain intérêt pour cette députée. J'ai vite déchanté un jour où il fut question d'un mini-remaniement ministériel qui vit momentanément Brice Hortefeux être déchargé de responsabilités en matière d'immigration. Donnant dans l'outrance, Mme Mazetier déclarait que Brice Hortefeux avait sur la conscience la mort d'enfants d'immigrés. Plus tard, en 2010, sévissant dans le nord-ouest de l'Essonne dans un Collège dirigé par un Principal qui est un vrai [autocensuré] et le Premier Secrétaire de la section du PS local (tout, ou presque, était PS dans ce bahut (3) : le Principal, l'Intendante, le conseil local des parents d'élèves FCPE, des assistants d'éducation recrutés au sein du MJS essonnien, et même le circuit de télé interne fourni par le Conseil Général de l'Essonne et qui relatait de façon déséquilibrée le mouvement social de l'automne 2010 contre la réforme des retraites portée par E. Woerth), je m'aperçus que Mme Mazetier figurait parmi les amis Fessbouc d'un des membres de l'administration du bahut; le Collège ne portait toutefois pas le nom d'une figure historique du socialisme, mais celui de la rue où il est implanté. Et voilà que Mme Mazetier, dénonçant l'intention de l'Elysée de suspendre l'application des accords de Schengen pour contrer des flux migratoires sud-nord en provenance notamment de Tunisie et de Lybie, parle de "valeurs de l'Europe bafouées" par cette suspension temporaire.
Mme Mazetier se trompe : l'Europe, ce n'est pas d'abord des "valeurs". La construction politique de l'Europe, c'est la politique de rechange qu'a dû inventer la Quatrième République à l'égard de l'Allemagne dès lors que ni les Anglo-Américains, ni l'URSS n'étaient prêts à suivre les dirigeants français de l'immédiat après-guerre dans leur chimère de démembrement de l'Allemagne, d'effacement de 1871. Le non démembrement de l'Allemagne, c'était "la reconstitution d'un Reich" disait-on pour se donner la chair de poule. L'objectif de l'Europe, c'était de limiter, de contrôler le recouvrement de sa souveraineté par l'Allemagne (la Bonn) et, pour que ce soit acceptable par l'Allemagne, au nom de l'égalité des droits, il fallait que la France donnât, ou fit semblant de donner l'exemple en renonçant elle aussi à quelques pans de souveraineté. Le résultat a été globalement très positif pour d'autres raisons que les intentions premières : livrés à eux-mêmes, les Etats nations d'Europe qui se sont constitués les uns contre les autres sur les ruines de la féodalité entrent mécaniquement dans des rapports conflictuels, ou du moins de rivalité, et en tout cas d'opposition, pour le plus grand bénéfice d'acteurs extra-européens. C'est pourquoi je tiens le prétendu "souverainisme" comme une c[autocensuré] dangereuse. Quels que soient les inconvénients de l'UE, ses limites, elle vaut mieux que le libre jeu mortel des rivalités européennnes qui prévalait jusqu'au milieu du XXe siècle.
Mme Mazetier se trompe encore si elle croit que "les valeurs de l'Europe" impliquent de laisser celle-ci devenir la colonie de peuplement de ses anciennes colonies ou de pays qui auraient pu en être. Mais Mme Mazetier considérerait sans doute cette éventualité comme un fantasme, et appellerait au secours le démographe Hervé Le Bras pour lequel les flux migratoires sud-nord appartiennent au passé, Jean-Marie Colombani (France Culture : La rumeur du monde) pour lequel la France ne serait pas la destination des boat-people de Lampedusa, Eric Le Boucher (France Culture : L'esprit public) qui nie la pression migratoire. Sandrine appelerait menteurs (ou aveugles) et mensonges à son aide.
Mme Mazetier a sans doute de l'Europe la même conception que sa camarade du XVIIe arrt. de Paris, Annick Lepetit, laquelle considère qu'il faut que l'Europe s'unisse...pour le reste du monde. Non, elle doit le faire pour elle-même, parce que sa population représente un pourcentage en rapide diminution de la population mondiale, n'est ni la plus dynamique démographiquement, ni la plus pauvre, ni la moins enviée, ni la plus aimée. Et tout le reste est du deconantum.
NOTES
(1) Serge Klarsfeld est un ressortissant français d'origine juive roumaine né au milieu des années 1930. Ses parents ont été déportés et ont disparu pendant la Seconde Guerre Mondiale. Il a épousé une dénommée Beate Künzel, née à Berlin en 1939, venue étudier à Paris. A partir du deuxième tiers des années 1960, Beate Klarsfeld, instrumentalisée par Serge ou de son propre mouvement, s'est muée en détestable pasionaria pétroleuse faisant campagne pour la mise en jugement et la condamnation de vaincus de la Seconde Guerre Mondiale auxquels les vainqueurs attribuaient des crimes de guerre ou contre l'humanité, recourrant au terrorisme (tentatives d'enlèvement, attentats), à l'action directe (agression physique contre le Chancelier Kurt Georg Kiesinger), au chantage. Elle fut licenciée du personnel du Conseil Représentatif des Institutions juives de.France, dont les dirigeants de l'époque désapprouvaient ses campagnes sur la forme et sur le fond, et du secrétariat de l'Office Franco-Allemand pour la Jeunesse. Elle mena une haineuse et dangereuse campagne contre la nomination du député libéral F.D.P. Ernst Achenbach, ami du romancier Roger Peyrefitte dans les années 1940, à la Commission Européenne. A partir de la fin des années 1970, son mari Serge se mit davantage en avant, fut invité sur les plateaux de télévision où il est traité avec complaisance et obséquiosité, pour y dénoncer "Vichy", y défendre l'Etat d'Israël, la mise en accusation permanente et systématique des vaincus de la guerre 1939-45, la mémouare de la Shoah ("Que ma Shoah demeure"). Le fils aîné de Serge et de Beate, Arno, avocat et militant "mémoriel" provocateur, fut une des figures les plus médiatisées du procès de l'ancien ministre Maurice Papon. Une bibliothèque ne suffirait pas pour exposer les divers méfaits et exactions de Serge, Beate, Arno Klarsfeld et de leurs groupies, l'Association des Fils et Filles de Déportés Juifs de France.
(2) Le Parti Communiste de la République Fédérale d'Allemagne (capitale : Bonn) y a été interdit de 1956 à 1968; le chancelier Adenauer avait sollicité les avis de personnalités au nombre desquelles figurait le sociologue Jules Monnerot dont le père comptait parmi les fondateurs du Parti Communiste Martiniquais, et qui fut à la fin des années 1980 et en 1990 encore membre du Conseil politique et scientifique du Front National; de son interdiction pour poursuite de buts contraires à la Loi Fondamentale de la R.F.A. en 1956, à sa légalisation en 1968 (sous le gouvernement de Grande Coalition de M.M. Kiesinger et Brandt), le Parti Communiste fut représenté par des groupements à thématique pacifiste comme la Deutsche FriedensUnion dont une des dirigeantes éleva un moment Ulrike Meinhoff, future égérie de le Fraction Armée Rouge, ou "Bande à Baader";
(3) Peut-être travaille-t-on mieux en équipe quand on est lié par autre chose que le cadre des activités professionnelles, voire quand joue un certain degré de cooptation. Peut-être... Mais que lirait-on dans Le Canard Enchaîné s'il s'agissait d'un autre parti que le PS ou ses alliés naturels ? L'affaire serait grossie aux dimensions d'un scandale.
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