LE CONTEXTE PANEUROPEEN
Dans le cadre des hostilités entre l’Empire Français (1) et le Royaume-Uni, Napoléon Ier instaure par décret, depuis Berlin, le 21 novembre 1806, le Blocus Continental dont les principales dispositions sont les suivantes :
Tout commerce avec le Royaume-Uni est totalement défendu ;
Les marchandises britanniques présentes sur le continent sont confisquées ;
Toute correspondance du, ou pour le Royaume-Uni est détruite ;
Tout Britannique se trouvant en France ou dans l’Empire est fait prisonnier de guerre ;
Tout navire ayant mouillé dans un port britannique est de bonne prise.
Ce décret est immédiatement applicable dans l’Empire Français et les pays placés de droit ou de fait sous son contrôle ; son application est étendue par traité à d’autres puissances, notamment la Prusse et la Russie, par le traité de Tilsitt (7 juillet 1807).
L’application du Blocus Continental rencontre des difficultés particulières dans deux pays : le Royaume de Hollande dont le souverain est le propre frère de Napoléon, le roi Louis , et le Portugal ; le problème hollandais est réglé par l’annexion pure et simple du pays à l’Empire Français (2) ; Napoléon Ier compte régler le problème portugais en envahissant ce pays, dont le partage est en outre prévu, avec la constitution, au sud, d’une principauté des Algarves sur laquelle régnerait le ministre Manuel Godoy, favori et amant de la reine Marie-Louise, épouse du roi d’Espagne Charles IV ; à cette fin, Napoléon Ier conclut le 29 octobre 1807 un traité avec l’Espagne (traité de Fontainebleau). L’armée commandée par le général Junot transite par l’Espagne pour envahir le Portugal.
LE CONTEXTE ESPAGNOL
A la suite de l’armée de Junot, Napoléon Ier envoie en Espagne des troupes commandées par le général Murat ; ces troupes s’installent en Espagne dans des places dont le contrôle ne présente pas un rapport évident avec l’application du traité de Fontainebleau et la conquête du Portugal. La famille royale espagnole se réfugie dans sa résidence d’Aranjuez, près de Madrid, pour ne pas paraître soumise aux pressions françaises et se ménager une possibilité de fuite discrète, peut-être vers les Amériques, par Séville : 65 000 soldats de l’Empire Français contrôlent non seulement les communications avec le Portugal et la frontière franco-espagnole, mais aussi Madrid et plusieurs grandes villes. L’infant Ferdinand, 24 ans, prince des Asturies, renverse son père, le roi Charles IV (émeute d’Aranjuez, mars 1808). Napoléon Ier refuse de reconnaître le jeune roi Ferdinand, et convoque la famille royale à Bayonne où, après son fils Ferdinand, le roi Charles IV arrive le 30 avril. A Madrid, la tension est extrême : la population craint que l’infant Francisco de Paula, 14 ans, dernier membre de la famille royale encore à Madrid, ne soit enlevé par les troupes de Murat (3) tandis que les autres membres de la famille royale semblent retenus prisonniers (4) à Bayonne. La rumeur circule : "i Que nos lo llevan !" (5). Une partie de la population se soulève le 2 mai contre les troupes impériales. Parmi les insurgés célèbres de ce Dos de Mayo : un général cantabrien, Pedro Velarde, et des femmes, dont Manuela Malasaña (6) et Clara del Rey. Un célèbre tableau de Francisco de Goya y Lucientes immortalise la charge de Mameluks à la Puerta del Sol, ce 2 mai 1808.
http://lili.butterfly.free.fr/ole/images/prado/goya_2mai.jpg
La Communauté Autonome (région) de Madrid célèbre le Dos de Mayo comme le Jour de la Communauté (Dia de la Comunidad Autonoma de Madrid).
Le tableau est peint en 1814 par Francisco de Goya y Lucientes, après que Ferdinand VII ait été rétabli sur le trône d’Espagne ; peut-être l’attitude parfois hésitante du peintre pendant l’occupation napoléonienne (7) l’a-t-elle conduit à manifester son loyalisme envers la dynastie des Bourbons restaurée en illustrant un moment du début du conflit connu en France sous le nom de Guerre d’Espagne (1808-1814), au Portugal et dans les pays anglophones sous le nom de Guerre Péninsulaire, en Espagne sous le nom de Guerre d’Indépendance Espagnole (8). Goya n’a pas assisté à la scène. La couleur dominante est le rouge. Des mercenaires égyptiens au service de l’Empire Français, à cheval et armés, chargent des insurgés espagnols à terre.
NOTES
Dans le cadre des hostilités entre l’Empire Français (1) et le Royaume-Uni, Napoléon Ier instaure par décret, depuis Berlin, le 21 novembre 1806, le Blocus Continental dont les principales dispositions sont les suivantes :
Tout commerce avec le Royaume-Uni est totalement défendu ;
Les marchandises britanniques présentes sur le continent sont confisquées ;
Toute correspondance du, ou pour le Royaume-Uni est détruite ;
Tout Britannique se trouvant en France ou dans l’Empire est fait prisonnier de guerre ;
Tout navire ayant mouillé dans un port britannique est de bonne prise.
Ce décret est immédiatement applicable dans l’Empire Français et les pays placés de droit ou de fait sous son contrôle ; son application est étendue par traité à d’autres puissances, notamment la Prusse et la Russie, par le traité de Tilsitt (7 juillet 1807).
L’application du Blocus Continental rencontre des difficultés particulières dans deux pays : le Royaume de Hollande dont le souverain est le propre frère de Napoléon, le roi Louis , et le Portugal ; le problème hollandais est réglé par l’annexion pure et simple du pays à l’Empire Français (2) ; Napoléon Ier compte régler le problème portugais en envahissant ce pays, dont le partage est en outre prévu, avec la constitution, au sud, d’une principauté des Algarves sur laquelle régnerait le ministre Manuel Godoy, favori et amant de la reine Marie-Louise, épouse du roi d’Espagne Charles IV ; à cette fin, Napoléon Ier conclut le 29 octobre 1807 un traité avec l’Espagne (traité de Fontainebleau). L’armée commandée par le général Junot transite par l’Espagne pour envahir le Portugal.
LE CONTEXTE ESPAGNOL
A la suite de l’armée de Junot, Napoléon Ier envoie en Espagne des troupes commandées par le général Murat ; ces troupes s’installent en Espagne dans des places dont le contrôle ne présente pas un rapport évident avec l’application du traité de Fontainebleau et la conquête du Portugal. La famille royale espagnole se réfugie dans sa résidence d’Aranjuez, près de Madrid, pour ne pas paraître soumise aux pressions françaises et se ménager une possibilité de fuite discrète, peut-être vers les Amériques, par Séville : 65 000 soldats de l’Empire Français contrôlent non seulement les communications avec le Portugal et la frontière franco-espagnole, mais aussi Madrid et plusieurs grandes villes. L’infant Ferdinand, 24 ans, prince des Asturies, renverse son père, le roi Charles IV (émeute d’Aranjuez, mars 1808). Napoléon Ier refuse de reconnaître le jeune roi Ferdinand, et convoque la famille royale à Bayonne où, après son fils Ferdinand, le roi Charles IV arrive le 30 avril. A Madrid, la tension est extrême : la population craint que l’infant Francisco de Paula, 14 ans, dernier membre de la famille royale encore à Madrid, ne soit enlevé par les troupes de Murat (3) tandis que les autres membres de la famille royale semblent retenus prisonniers (4) à Bayonne. La rumeur circule : "i Que nos lo llevan !" (5). Une partie de la population se soulève le 2 mai contre les troupes impériales. Parmi les insurgés célèbres de ce Dos de Mayo : un général cantabrien, Pedro Velarde, et des femmes, dont Manuela Malasaña (6) et Clara del Rey. Un célèbre tableau de Francisco de Goya y Lucientes immortalise la charge de Mameluks à la Puerta del Sol, ce 2 mai 1808.
http://lili.butterfly.free.fr/ole/images/prado/goya_2mai.jpg
La Communauté Autonome (région) de Madrid célèbre le Dos de Mayo comme le Jour de la Communauté (Dia de la Comunidad Autonoma de Madrid).
Le tableau est peint en 1814 par Francisco de Goya y Lucientes, après que Ferdinand VII ait été rétabli sur le trône d’Espagne ; peut-être l’attitude parfois hésitante du peintre pendant l’occupation napoléonienne (7) l’a-t-elle conduit à manifester son loyalisme envers la dynastie des Bourbons restaurée en illustrant un moment du début du conflit connu en France sous le nom de Guerre d’Espagne (1808-1814), au Portugal et dans les pays anglophones sous le nom de Guerre Péninsulaire, en Espagne sous le nom de Guerre d’Indépendance Espagnole (8). Goya n’a pas assisté à la scène. La couleur dominante est le rouge. Des mercenaires égyptiens au service de l’Empire Français, à cheval et armés, chargent des insurgés espagnols à terre.
NOTES
(1) L’Empire s’étend de Bayonne à Hambourg, de la Frise à Regio ;
(2) Le roi Louis, père du futur Napoléon III, essaiera sincèrement de se faire estimer, voire aimer, si cela avait été possible, de ses sujets hollandais dont il apprend la langue, refusera à Napoléon Ier d’instaurer la conscription qui aurait été très impopulaire, et placera avant tout la défense des intérêts hollandais dans la mesure où il pouvait tenir tête à son frère ; c’est pourquoi il rechignera à appliquer le Blocus Continental dont l’impact était très négatif sur l’économie, déjà chancelante, de son Royaume ; Louis est contraint de satisfaire des exigences de l’Empire Français en matière de rectification de frontières (des territoires au sud du Royaume de Hollande sont annexés à l’Empire Français qui a déjà absorbé la future Belgique), puis l’ensemble du Royaume de Hollande est annexé, divisé en départements de l’Empire Français ; le roi Louis doit s’enfuir à Vienne ; il se tiendra à l’écart de l’équipée des Cent Jours de son frère en 1815 ;
(3) Il semble que Francisco de Paula, 14 ans, ait été en passe d’être conduit à Bayonne auprès de ses parents et de son frère, retenus par Napoléon Ier ;
(4) La famille royale espagnole est tombée dans un guet-apens à Bayonne : Charles IV doit abdiquer et remettre à Napoléon Ier le soin de lui désigner un successeur (ce sera Joseph Bonaparte, un frère de Napoléon Ier, qui sera installé sur le trône d’Espagne), tandis que Ferdinand VII est retenu prisonnier en résidence au château de Valençay ; les difficultés de la famille royale sont liées à la faiblesse du roi Charles IV, dont l’épouse a pour favori et amant, l’impopulaire ministre Godoy, intéressé au partage du Portugal, aux dissensions entre partisans de l’influence des Lumières (los ilustrados, ou intellectuels) peut-être disposés, pour certains à pactiser avec les occupants français, et les milieux, y compris populaires, attachés au régime bourbonien, à la monarchie légitime ;
(5) "Ils (les Français) nous l’enlèvent !";
(6) Une station de la ligne 12 du métro de Madrid porte son nom ; elle fut exécutée parce qu’elle portait une arme (une paire de ciseaux) ; elle avait 15 ans et était brodeuse ; elle était fille d’un boulanger d’origine française, Jean Malesange, qui hispanisa son patronyme en Malasaña ;
(7) Francisco de Goya y Lucientes était un temps considéré proche des "ilustrados", inspirés par les idées des Lumières ; certains d’entre eux considéraient avec faveur certaines réformes (ex. : abolition de l’Inquisition) introduites sous la pression napoléonienne ;
(8) Les conséquences de cette guerre seront désastreuses pour l’Empire Français, comme pour les pays ibériques :
le mythe de l’invinciblité des armées napoléoniennes sera mis à mal par la défaite, suivie de la reddition du général Dupont à Bailen (18-22 juillet 1808), les efforts de Napoléon Ier pour maintenir son frère sur le trône d’Espagne seront très coûteux en hommes et en ressources qui feront défaut à l’Empire Français au cours des années suivantes, qui précèderont sa chute ; exilé à Sainte-Hélène, Napoléon a paru prendre la mesure du désastre ; il confie à Las Cases : « Cette malheureuse guerre d’Espagne a été une véritable plaie, la cause première des malheurs de la France […] j’embarquai fort mal toute cette affaire, je le confesse ; l’immoralité dut se montrer par trop patente, l’injustice par trop cynique, et le tout demeure fort vilain, puisque j’ai succombé »;
l’Espagne, coupée de ses colonies d’Amérique par l’occupation napoléonienne et la guerre, verra celles-ci s’éloigner de la métropole, puis prendre leurs indépendances (à l’exception des Antilles espagnoles) sans pouvoir y restaurer son autorité. L'exil au Brésil (1807-1821) du régent du Portugal prépare la séparation des deux pays : le Brésil proclame son indépendance en 1822, indépendance que le Portugal devra reconnaître en 1825.
(2) Le roi Louis, père du futur Napoléon III, essaiera sincèrement de se faire estimer, voire aimer, si cela avait été possible, de ses sujets hollandais dont il apprend la langue, refusera à Napoléon Ier d’instaurer la conscription qui aurait été très impopulaire, et placera avant tout la défense des intérêts hollandais dans la mesure où il pouvait tenir tête à son frère ; c’est pourquoi il rechignera à appliquer le Blocus Continental dont l’impact était très négatif sur l’économie, déjà chancelante, de son Royaume ; Louis est contraint de satisfaire des exigences de l’Empire Français en matière de rectification de frontières (des territoires au sud du Royaume de Hollande sont annexés à l’Empire Français qui a déjà absorbé la future Belgique), puis l’ensemble du Royaume de Hollande est annexé, divisé en départements de l’Empire Français ; le roi Louis doit s’enfuir à Vienne ; il se tiendra à l’écart de l’équipée des Cent Jours de son frère en 1815 ;
(3) Il semble que Francisco de Paula, 14 ans, ait été en passe d’être conduit à Bayonne auprès de ses parents et de son frère, retenus par Napoléon Ier ;
(4) La famille royale espagnole est tombée dans un guet-apens à Bayonne : Charles IV doit abdiquer et remettre à Napoléon Ier le soin de lui désigner un successeur (ce sera Joseph Bonaparte, un frère de Napoléon Ier, qui sera installé sur le trône d’Espagne), tandis que Ferdinand VII est retenu prisonnier en résidence au château de Valençay ; les difficultés de la famille royale sont liées à la faiblesse du roi Charles IV, dont l’épouse a pour favori et amant, l’impopulaire ministre Godoy, intéressé au partage du Portugal, aux dissensions entre partisans de l’influence des Lumières (los ilustrados, ou intellectuels) peut-être disposés, pour certains à pactiser avec les occupants français, et les milieux, y compris populaires, attachés au régime bourbonien, à la monarchie légitime ;
(5) "Ils (les Français) nous l’enlèvent !";
(6) Une station de la ligne 12 du métro de Madrid porte son nom ; elle fut exécutée parce qu’elle portait une arme (une paire de ciseaux) ; elle avait 15 ans et était brodeuse ; elle était fille d’un boulanger d’origine française, Jean Malesange, qui hispanisa son patronyme en Malasaña ;
(7) Francisco de Goya y Lucientes était un temps considéré proche des "ilustrados", inspirés par les idées des Lumières ; certains d’entre eux considéraient avec faveur certaines réformes (ex. : abolition de l’Inquisition) introduites sous la pression napoléonienne ;
(8) Les conséquences de cette guerre seront désastreuses pour l’Empire Français, comme pour les pays ibériques :
le mythe de l’invinciblité des armées napoléoniennes sera mis à mal par la défaite, suivie de la reddition du général Dupont à Bailen (18-22 juillet 1808), les efforts de Napoléon Ier pour maintenir son frère sur le trône d’Espagne seront très coûteux en hommes et en ressources qui feront défaut à l’Empire Français au cours des années suivantes, qui précèderont sa chute ; exilé à Sainte-Hélène, Napoléon a paru prendre la mesure du désastre ; il confie à Las Cases : « Cette malheureuse guerre d’Espagne a été une véritable plaie, la cause première des malheurs de la France […] j’embarquai fort mal toute cette affaire, je le confesse ; l’immoralité dut se montrer par trop patente, l’injustice par trop cynique, et le tout demeure fort vilain, puisque j’ai succombé »;
l’Espagne, coupée de ses colonies d’Amérique par l’occupation napoléonienne et la guerre, verra celles-ci s’éloigner de la métropole, puis prendre leurs indépendances (à l’exception des Antilles espagnoles) sans pouvoir y restaurer son autorité. L'exil au Brésil (1807-1821) du régent du Portugal prépare la séparation des deux pays : le Brésil proclame son indépendance en 1822, indépendance que le Portugal devra reconnaître en 1825.
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